« UN MÉTIER S’APPREND. METT­ONS-Y DU CŒUR ET DE LA VOLONTÉ. »

« UN MÉTIER S’APPREND. METTONS-Y DU CŒUR ET DE LA VOLONTÉ. »

Je m’appelle Guy Mbina. Jʼai 42 ans. Jʼai arrêté mes études en classe de 3e, en raison du manque de suivi et de ressources financières de mes parents. Je suis régulateur des transporteurs terrestres, mais, pour des raisons indépendantes de ma volonté, jʼai cessé de travailler depuis quelques mois. Je suis par ailleurs secrétaire général de la Nouvelle dynamique des jeunes travailleurs de la rue (NDJTR). La NDJTR est une association qui lutte contre le chômage, la délinquance juvénile et œuvre à lʼinsertion et la réinsertion de jeunes.

 

En tant que régulateur des transporteurs terrestres, jʼétais responsable du site de dʼembarquement et de débarquement au niveau dʼAkanda. Sʼil est vrai que ce travail nʼest pas encore très fiable et légali- sé, je mʼen sortais plutôt bien. Il existe à Libreville, Owendo et Akanda des sites dʼembarquement et de débarquement des transporteurs terrestres que sont les taxi-bus, les taxis et les clandos.

 

Le régulateur des transporteurs terrestres travaille en étroite collaboration avec les clients et les trans- porteurs quʼil côtoie au quotidien. Il est le pont, la courroie de transmission entre les deux. En tant que tel, il sensibilise les clients, les transporteurs et les autorités. Le régulateur oriente les clients, facilite le travail des transporteurs à lʼembarquement et selon les destinations où ils vont. Il est aussi chargé de la sécurité et du renseignement.

 

Quand avez-vous commencé à travailler ?

 

Je travaillais à Akanda sur le site des clandos au carrefour Delta depuis 2009. À lʼépoque, il nʼy avait ni goudron ni mairie. Il y a eu beaucoup de changements après la Coupe dʼAfrique des Nations et les élections de 2016. Honnêtement, je payais mes charges grâce à mon travail. Cʼétait ma première source de revenus. Je vivais avec, payais lʼécole de ma fille et mʼoccupais de ma famille tout en prenant soin de ma mère. Je lui achetais ses médicaments. Jʼaimerais ajouter que les régulateurs des transporteurs travaillent avec le syndicat des transporteurs auquel ils sont affiliés. Ils travaillent avec la plupart des syndicats des transporteurs terrestres qui sont eux-mêmes affiliés au Syndicat des transporteurs. Ils travaillent aussi avec les autorités publiques telles que les autorités municipales des communes dans lesquelles ils exercent. En ce qui me concerne, étant à Akanda, je travaillais avec les autorités municipales locales.

 

Avez-vous des conseils à prodiguer aux jeunes ?

 

Jʼai un conseil à donner aux jeunes non scolarisés. Que vous soyez lettrés ou illettrés, lʼintelligence vous est donnée par Dieu. Ayez la volonté dʼapprendre parce quʼavoir un métier sʼapprend, que ce soit à lʼécole ou dans le cadre dʼune formation.

 

« Un métier s’apprend. Mett­ons-y du cœur et de la volonté. » Ayez la foi. Nʼallez pas à lʼapprentissage avec lʼesprit du vol, du mensonge, de la querelle, de la bagarre et de lʼanimosité. Ayez de la gratitude, de la reconnaissance et un bon comportement parce quʼen apprenant un métier, celui qui prend le temps de vous former mérite de la reconnaissance. Il faut également se munir de beaucoup de courage parce que ce nʼest pas facile. Il ne faut surtout pas se dire que tout est joué, que tout est facile même si lʼon apprend avec un parent ou quelquʼun dʼautre. Il faut se préparer psychologiquement et psychique- ment à la dureté. Ne baissez pas les bras parce que les tentations et les persécutions ne manque- ront pas de se mettre au travers de votre formation. Ayez de lʼamour, de la passion pour votre formation parce que cela demande beaucoup de sacri- fices. Il faut sʼengager à fond et y mettre du cœur.

 

La scolarisation, le savoir, est une arme. On apprend à lʼécole pour sʼarmer, on apprend dans la rue, on apprend partout. Apprendre un métier ce nʼest pas forcément passer par lʼécole. Certains font du commerce alors quʼils nʼont jamais été com- merçants. Certains commencent par vendre des sachets dʼeau. Après, ils se découvrent un talent de commerçant et peuvent tout vendre. Tout sʼap- prend. Tout peut sʼapprendre surtout quand on y met du cœur. Si jʼai encore un conseil à donner cʼest de se mettre en phase, en légalité avec lʼEtat, la société et la législation parce quʼavoir un petit métier cʼest bien beau, mais avoir une couverture légale face à lʼEtat permet dʼexercer son métier pleinement, librement et sur le long terme. Il faut toujours y penser et ne pas se dire que je travaille, je gagne mon petit sou. Il faut toujours légaliser son entreprise et son métier.

 

Comment êtes-vous devenu régulateur des transporteurs terrestres ? Avez-vous été formé ?


 Jʼai été appelé au début par un grand qui nous a quittés. Il mʼa contacté afin que je lʼaide à réguler le site dʼAkanda. A lʼépoque, il nʼy avait que les petits taxis clando. Jʼai créé la ligne des taxis bus Akanda-Libreville à la demande de la population et en raison de lʼanarchie qui régnait entre les clan- dos. Cette anarchie se caractérisait par le non-res- pect des positions à lʼarrivée des clandos. Les derniers arrivés chargeaient les clients occasion- nant souvent des bagarres. Je me suis imposé en mettant de lʼordre. Je me suis rapproché des autori- tés qui mʼont permis de continuer dʼexercer. La plupart des sites fonctionnent conformément aux besoins des transporteurs et des clients. A la ques- tion de savoir où jʼai appris mon métier, il nʼy a pas dʼécole. On apprend sur le tas dʼautant que chaque site à ses propres règles de fonctionnement et son système de circulation. Lʼagglomération dans laquelle on travaille détermine ses règles. Cʼest la loi. Ce sont des conventions que se doivent de respecter les transporteurs et les régulateurs. Dans le passé, on organisait de petits ateliers avec certains syndicalistes.

 

 

Propos recueillis par Lyra Moviwa

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