ÉVOLUTION DU SYSTÈME ÉLECTORAL
RETOUR SUR 30 ANS DE DÉVIANCES ET DE MASCARADES
Le processus de démocratisation des années 1990 en Afrique subsaharienne s’est essentiellement traduit par le retour au multipartisme et une multiplication des consultations électorales. Ainsi, de 1993 à 2023, le Gabon a connu six (06) élections présidentielles et environ autant de législatives. L’unique point commun entre tous ces scrutins étant qu’ils n’ont abouti à aucune alternance démocratique au sommet de l’État, ni à un équilibre de pouvoir entre le PDG, le parti au pouvoir, et l’opposition dans les deux chambres du parlement, l’Assemblée nationale et le Sénat.
Cet échec manifeste de l’opposition politique qui ne manque pourtant pas de soutien populaire pour s’imposer dans les institutions par les élections ne relève pas forcément d’un manque de stratégie comme on l’entend souvent mais surtout d’un système électoral pensé et conçu pour assurer dans les urnes l’hégémonie du régime Bongo-PDG. Au terme de ces trente années, voici les principales distorsions qui ont constitué l’évolution du code électoral.
Passage d’un mode de scrutin à un tour
Cette modification constitutionnelle, intervenue au début des années 2000, consacre un recul de la démocratie car un scrutin uninominal ne garantit aucune légitimité puisqu’on peut être élu avec moins de 50% comme ce fut le cas de l’élection d’Ali Bongo Ondimba à l’élection présidentielle de 2009 avec 41,79% des suffrages exprimés. On peut donc voir derrière cette disposition non pas un moyen de faire des « économies » face aux coûts supposés exorbitants des élections, mais plutôt un raccourci pour brouiller la victoire en évitant surtout l’hypothèse d’un second tour périlleux.
Transformations de la Commission nationale électorale (CNE) en Commission nationale électorale autonome et permanente (CENAP) puis en Centre gabonais des élections (CGE) entre 1993 et 2017
Souvent proposées par l’opposition à l’issue des dialogues politiques organisés pour désamorcer les crises post-électorales, ces tentatives de réformes n’ont pas permis d’améliorer qualitativement la crédibilité des scrutins ; et pour cause : les différents organes de gestions précités ont été toutes dirigés par des personnalités proches du régime Bongo-PDG.
Tentative d’introduction de la biométrie dans le processus électoral en 2012
Cette réforme portée par l’opposition après l’élection controversée d’Ali Bongo en 2009 aurait dû aboutir à une amélioration qualitative des élections au Gabon par la fiabilisation du fichier électoral. Mais, encore une fois, après le processus d’enrôlement biométrique des électeurs, le projet s’est limité à la simple conception des listes électorales. En termes de pratique de vote, seule l’introduction de « l’enveloppe poubelle » a été l’innovation majeure.
Introduction du bulletin unique et fusion des scrutins en élections générales en 2023
Dans un contexte dominé par l’incapacité manifeste du candidat Ali Bongo à assumer sa fonction de président de la République, cette réforme vicieuse qui supprimait de facto l’usage de « l’enveloppe poubelle » est sans doute l’une des plus grandes opérations de mascarade électorale organisée au Gabon. Car, outre la suppression de l’usage de « l’enveloppe poubelle » dont la pertinence a été démontrée lors de l’élection présidentielle de 2016, cette opération avait surtout pour ambition néfaste de lier le destin électoral d’Ali Bongo à celui de tous les hauts cadres candidats du parti au pouvoir. Cette tentative de survie collective désespérée du système en place va conduire au coup d’État du 30 août 2023, sonnant ainsi le glas de 30 ans de déviances électorales au Gabon.
Les principales causes de ces réformes peuvent se résumer en deux points : l’absence d’indépendance et de neutralité des organes de gestion des élections qui sont maintenus sous le contrôle du ministère de l’Intérieur, et une forme de fragilité du régime Bongo-PDG qui a réussi le cynique pari de faire des élections un moyen de confiscation du pouvoir.
Enfin, pour couronner le tout, cette évolution vicieuse du système électoral a nourri dans son sillage des comportements déviants en période électorale comme : la transhumance des électeurs, le clientélisme et l’achat des consciences, la corruption généralisée de l’administration électorale et de certains leaders de l’opposition , la prolifération de candidatures fantaisistes et la falsification des procès-verbaux …Autant de maux dont le futur Code électoral devrait s’affranchir pour « restaurer » la crédibilité des élections au Gabon et assurer une fin de transition apaisée et porteuse d’une réelle espérance d’alternance démocratique.
Sentiment Ondo Elibiyo