À LA CROISÉE DES CHEMINS

Scène surréaliste et inédite que celle du communiqué largement diffusé le mercredi 30 août 2023, qui fera date dans l’histoire du Gabon. Que d’échanges téléphoniques au sein du cercle familial et entre amis pour se convaincre de la véracité de cette déclaration d’un officier de l’armée ! Beaucoup demeurant incrédules, dubitatifs quant à cet événement dont nous ne pouvons pleinement mesurer la portée à l’aune d’une année. Un régime réputé inamovible aux mains d’une famille qui a présidé pendant plus d’un demi siècle aux destinées d’une nation. Cinquante-six ans très exactement ! L’enfant qui avait donc 8 ans en 1967, année au cours de laquelle Albert Bernard Bongo prend le pouvoir, en avait 64 en 2023.
Nous pouvons donc comprendre le paroxysme des émotions ayant poussé certains à fondre en larmes, se remémorant probablement les tourments, les souffrances indélébiles qu’eux-mêmes ou certains de leurs proches ont eu à subir. D’autres ne sont, hélas, plus là pour vivre ce moment de ferveur durant les semaines qui ont suivi.
En faisant abstraction de toute analyse partisane des nombreux laudateurs, de la liesse populaire, Brice Clotaire Oligui Nguema, l’homme providentiel du 30 août, peut-il répondre aux multiples attentes sociales de ses compatriotes, à la reconstruction, à la restauration des multiples infrastructures, à la cherté de la vie, au chômage endémique. Tels sont les chantiers, non exhaustifs, auxquels il doit s’atteler.
Libreville, du moins sur le front de mer depuis l’aéroport, est une façade qui n’est, hélas, pas à l’image de l’hinterland. Port-Gentil, la capitale économique, qui a apporté tant au Gabon grâce à l’or noir, est dans un état de délabrement inimaginable pour une si petite ville. Le président pourra-t-il tenir les engagements pris, tant ils sont multiformes ?
Les Gabonais ont applaudi certaines mesures relatives notamment au rétablissement des bourses au secondaire, après une suspension de sept ans, ainsi que la mise à disposition de milliers de postes budgétaires, sans oublier la revalorisation des pensions retraites. Un certain nombre de signes visibles, tant sur le plan économique que sur le plan financier, sont perceptibles. Prenons le cas de l’amélioration des recettes douanières et fiscales au cours des cinq premiers mois qui ont suivi le coup d’État.
Les données publiées par le ministère de l’Économie et des Participations le 17 novembre 2023 laissent entrevoir de belles performances des recettes budgétaires, notamment douanières. Les projections évoquaient 27,68 milliards de francs CFA. En définitive, ce sont 44,85 milliards qui ont été engrangés. La ville de Bitam, à elle seule, a enregistré 265,2 millions de francs CFA de recettes douanières en janvier 2024 contre 26,7 millions en janvier 2023. Ce résultat a été rendu possible grâce au logiciel “Sydonia World” qui prévient tout risque de fraude.
Il est à noter également un regain de confiance des bailleurs de fonds, nommément la Banque africaine de développement et la Banque Mondiale, à l’égard du Gabon, qui devrait par ailleurs apurer, dans les délais prescrits, la dette accumulée par les administrations précédentes. Concernant la vie chère, les mesures du gouvernement, par le biais de subventions, ont porté prioritairement sur les produits alimentaires (huile, cuisses de poulet) et les matériaux de construction (ciment, fer à béton). Cette initiative traduit la détermination des autorités à maintenir des coûts abordables pour la plupart des ménages.
Dans l’éventail des réalisations susmentionnées, le CTRI ne peut faire abstraction d’une dure réalité : celle de la dette nationale qui s’élève à 7 100 milliards de francs CFA. Le coût global des axes stratégiques prioritaires est de 3 021 milliards. Il faudrait donc que les autorités puissent à la fois répondre aux besoins sociaux, aux indispensables infrastructures de développement tout en assainissant les finances publiques
De plus, les exportations de notre pétrole représentent toujours plus de 50% du prduit intérieur brut (PIB). Qu’adviendrait-il si le prix du baril s’effondre non seulement en termes d’investissement mais surtout de paiement de la dette ?
S’il est indéniable que des mesures urgentes ont été prises depuis près d’un an par les autorités de la transition, la tournée républicaine a permis au chef de l’État d’être en contact avec ses concitoyens, de mesurer l’état réel de dénuement de certaines localités de l’arrière-pays et de mettre à disposition de celles-ci, sans exclusive, des montants substantiels à la hauteur de leurs besoins réels afin de parer au plus urgent.
Un contrôle rigoureux de ces financements s’impose afin d’éviter les travers d’un temps pas si lointain. Toutefois, si ces initiatives ne relancent pas l’emploi, ne diversifient pas l’économie, n’assurent pas un réel mieux-être, tous ces efforts porteront un coup rude au crédit de confiance à l’égard des autorités de la transition.
Une répartition équitable des fruits d’une éventuelle croissance est indispensable. Enfin, il est une question qui ne peut être éludée, c’est celle du référendum sur la nouvelle Constitution nationale qui divise les Gabonais.
Il est indéniable que tous les citoyens doivent être pleinement imprégnés du contenu et des contours du référendum. La campagne d’information et de sensibilisation en cours tombe à point nommé.
Adia Renomiè