ARTICLE PREMIER DE LA CONSTITUTION NATIONALE : VALEURS ET PRIMAUTE DES DROITS HUMAINS

ARTICLE PREMIER DE LA CONSTITUTION NATIONALE :
VALEURS ET PRIMAUTÉ DES DROITS HUMAINS

Au-delà de l’éclairage du Pr Télésphore Ondo, « Vivre » s’est intéressé à l’article premier de la Constitution nationale dont l’intégralité est publiée à la fin de cette édition. Le texte, qui s’affiche sous le titre préliminaire de la loi fondamentale, dispose : « La République gabonaise reconnaît et garantit les droits inviolables et imprescriptibles de l’homme qui lient obligatoirement les pouvoirs publics. »  Dans un entretien exclusif,  le président de la Commission nationale des droits de l’homme, Me Bertrand Homa Moussavou, nous livre son interprétation de l’article 1er de la Constitution, des valeurs et de la primauté des droits humains.

 

Me Homa Moussavou : « L’article premier est annonciateur de la garantie des droits de l’homme. Il évoque les droits naturels et rejoint les préoccupations de la justice qui sont de rappeler que les droits de l’homme sont imprescriptibles parce qu’ils sont intemporels. Ils sont éternels. Ce sont les deux définitions de l’inaliénabilité et de l’imprescriptibilité. De la primauté donnée aux droits de l’homme et aux libertés fondamentales, l’article premier en vient aux institutions qui sont chargées de faire respecter les droits de l’homme. Les droits de l’homme sont les colonnes, les fondamentaux de notre Constitution. Néanmoins, aux principes et droits fondamentaux on aurait pu ajouter les devoirs.

 

Ceci dit, la Constitution est le lieu de rencontre des valeurs sociales et culturelles qui, je le précise sont évoquées dans son le préambule de la Constitution. Elles ont, dès lors, valeur constitutionnelle et c’est une bonne chose. Elles forment un bloc. Elles sont le fondement de la nation Gabonaise. Elles font de notre société ce qu’elle est, et de l’identité que nous sommes ce que nous sommes. S’agissant des valeurs de dignité, liberté, égalité, elles sont les sentinelles de notre vivre-ensemble. En matière de droits de l’homme, il est bon qu’on les énumère, les exerce et les respecte. « La liberté, l’égalité, la dignité sont des droits humains fondamentaux que l’exécutif, le législatif et le judiciaire se doivent de respecter.

 

Comment interprétez-vous les six premiers alinéas de l’article 1er ?

 

Me Homa Moussavou : Les trois premiers alinéas évoquent les droits auxquels personne ne peut déroger. Prenons le cas de la torture : il est interdit de torturer, de faire subir à un être humain des traitements inhumains et dégradants. Il est même rappelé en droit international des droits de l’homme, notamment la Convention sur l’interdiction de la torture de 1984, qu’il est interdit lorsque vous avez voté, ratifié ce texte, de torturer et qu’aucune réserve n’est admise en la matière dès l’instant où l’on a signé et ratifié la Convention. Ce texte s’impose aux Etats qui l’ont ratifié. D’autres droits, dits de la première génération, sont énoncés aux alinéas 4-5-6. Il s’agit des libertés civiles et politiques qui ont donné le Pacte des droits civils et politiques du 16 décembre 1966. Ces libertés se basent, respectivement, sur :

 

  • les droits de la défense en cas de procès doivent être garantis à tous ;
  • le droit à l’inviolabilité du secret de la correspondance, des communications postales, télégraphiques, téléphoniques et télématiques peut être levé qu’en application de la loi, pour des raisons  d’ordre public et de sécurité de l’Etat ;
  • les limites de l’usage de l’informatique pour sauvegarder l’homme, l’intimité personnelle et familiale des personnes, et le plein exercice de leurs droits, sont fixées par la loi.

 

Que révèlent les alinéas 7 à 9 et les alinéas 10 à 12 ?

 

Me Homa Moussavou : Les droits de la deuxième génération, encore appelés droits sociaux, ont donné lieu au Pacte des droits sociaux, économiques et culturels. Ce sont les droits au travail, à l’emploi, à l’éducation, à la santé, au logement, pour n’en citer que quelques-uns. Ils requièrent la volonté politique. Pour cela, ils obligent l’Etat à s’engager. Les Etats ont, par rapport à ces droits, une obligation positive. Ils doivent faire montre d’un dynamisme, d’une volonté clairement affirmée pour que ces droits puissent exister et être effectifs. Qui assure et garantit l’emploi ? C’est l’Etat. Qui garantit les droits à l’éducation ? C’est l’Etat. Qui donne le droit à l’instruction ? C’est l’Etat. Qui garantit le droit à la santé ? C’est l’Etat. L’Etat décide du quand on travaille et du quand on se repose. Les conditions du droit à lapropriétéénoncées aux alinéas 10, 11 et 12sont régies par la loi. Chacun doit prendre conscience qu’il ne doit pas abuser de ce droit et qu’il ne doit pas créer des troubles sous peine d’être poursuivi. De même, si l’Etat expulse le propriétaire, il doit l’indemniser. Si l’Etat crée une route dans une zone d’habitation, il doit indemniser les propriétaires.

 

Avant d’en venir aux alinéas 13 à 15, clôturons le chapitre sur les droits sociaux

 

Me Homa Moussavou : Les droits sociaux énoncés par ailleurs aux alinéas 16-17-18-19 sont notamment les droits aux soins, à l’éducation, à l’instruction et à la laïcité, et les devoirs qui en découlent. L’éducation exige un budget de l’Etat. Le droit à l’éducation doit être assuré par l’Etat et les familles. Le droit à l’instruction est du ressort de l’Etat.

 

La protection de la jeunesse énoncée à l’alinéa 17 est adossée à une politique publique. Comment protéger les jeunes s’ils se sentent abandonnés, s’ils n’ont pas d’aires de jeu ? Il faut mettre en place tous les moyens,, toutes les conditions favorables à l’épanouissement des jeunes. Il faut garantir la sécurité des jeunes en milieu scolaire, protéger les jeunes de la violence en milieu scolaire. Il est de la responsabilité de l’Etat de créer des espaces pour les jeunes.

 

De la laïcité énoncée à l’alinéa 19. Le Gabon est un pays laïc. Aucune religion ne doit être au-dessus d’une autre. L’école publique doit être gratuite. L’Etat doit réguler les conditions de création des établissements scolaires. S’agissant de l’instruction religieuse, le règlement fixe les détails, la Constitution jette les bases.

 

Quels sont les droits énoncés aux alinéas 13 à 15 ?

 

Me Homa Moussavou : L’alinéa 13 s’intéresse à la question de savoir « comment les associations peuvent s’implanter et préserver l’intégrité morale des individus ». Il est rappelé ici que si les droits collectifs existent, il ne faut pas négliger pour autant les droits individuels. L’alinéa 14 sur le droit collectif dans le cadre de la famille élargie place la famille et le mariage sous la protection de l’Etat. Rien ne peut être fait sans l’Etat. L’alinéa 15 : de même, l’Etat est responsable du recensement général de la population qui doit se faire tous les dix ans.

 

Quelle interprétation faites-vous des droits énoncés aux alinéas 20-21-22, d’une part, et à l’alinéa 23, le dernier de l’article 1erde la Constitution nationale, d’autre part ?

 

Me Homa Moussavou : Les droits et devoirs sont précisés aux alinéas 20-21-22. Il s’agit respectivement :

                         

  • pour la Nation « de proclamer la solidarité et l’égalité de tous devant les charges publiques ». Cet alinéa englobe les impôts, les taxes ;
  • pour chaque citoyen, « de par ses devoirs, de défendre la patrie et, de par ses obligations, de protéger et respecter la Constitution, les lois et les règlements de la République » ; et
  • pour les forces de sécurité « de sauvegarder l’ordre public. » On ne peut pas permettre à quelqu’un de diviser la nation. La République est une et indivisible. Les forces de défense peuvent également être employées pour les travaux de développement économique et social du pays.

 

L’esprit de justice et de sécurité est au cœur de l’alinéa 23. Cet alinéa est consacré à la garde à vue. « Nul ne peut être gardé à vue ou placé sous mandat de dépôt s’il présente des garanties suffisantes de représentation, sous réserve des nécessités de sécurité et de procédure. Tout prévenu est présumé innocent jusqu’à l’établissement de sa culpabilité à la suite d’un procès régulier, offrant des garanties indispensables à sa défense. Le pouvoir judiciaire, gardien de la liberté individuelle, assure le respect de ces principes dans les délais fixés par la loi. »

 

Et pour conclure ?

 

Me Homa Moussavou : Les droits humains occupent une place importante dans la Constitution nationale. Cependant, il est un droit qui n’existe pas dans la Constitution et le Code pénal. Il s’agit du droit au silence. Heureusement que pour avoir ratifié le Pacte international sur les droits civils et politiques, nous avons ipso facto adopté le droit au silence. Regardez le pacte à son article 14. Vous verrez qu’il y a effectivement le droit au silence. C’est le droit de ne pas se faire incriminer.

 

 

Propos recueillis par Abdanna Ssir

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