QUELLE CONSTITUTION POUR LE GABON ?

Le référendum sur la nouvelle Constitution nationale, qui devrait consacrer le retour à l’ordre constitutionnel que les Gabonais appellent de tous leurs vœux, approche à grands pas. Au cours de cet évènement, prévu d’ici à décembre, les électeurs, en leur âme et conscience, diront « Oui » ou « Non » à la future loi fondamentale, qui prévoit l’instauration d’une réelle démocratie pluraliste et d’un État de droit.
Le renforcement des droits et libertés de la personne, la préservation des valeurs fondamentales de la société gabonaise et la reconnaissance du rôle des acteurs de la société civile, traditionnels et religieux, qui étaient quasi inexistants dans la Constitution de 1991, sont reconnus et garantis dans le projet de Constitution nationale.
Si ces avancées sont jugées salutaires par les Gabonais.es qui ont lu le texte, d’autres points, et non des moindres, divisent l’opinion. Lors de la session de l’Assemblée Constituante sur l’examen du projet de la nouvelle Constitution nationale, des divergences sont apparues sur diverses questions. Ces points incluent :
- La séparation des pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire ;
- Le retour au régime présidentiel et, partant, la concentration des pouvoirs aux mains du chef de l’État qui, de surcroît, nommera le président du Conseil supérieur de la magistrature ;
- La suppression du poste de Premier ministre ;
- Le principe de « gabonité », qui stipule que pour accéder à la fonction présidentielle et autres hautes fonctions, il faut être gabonais, né de père et de mère gabonais.
Le rapport de la Constituante a été voté à la majorité des 178 parlementaires qui ont pris part aux travaux. Huit parlementaires ont voté contre tandis que trois se sont abstenus. Il sera discuté dans les prochains jours en Conseil des ministres en vue de l’adoption de la mouture finale de la Constitution nationale.
Les points de divergence susmentionnés font également débat au sein de l’opinion. À ceux-ci s’ajoutent ceux qui sont afférents à l’organisation, au manque de transparence et au coût du référendum, évalué à plus de 20 milliards de francs CFA. D’autres points critiques ont trait à la méconnaissance du texte par une frange importante de la population et la campagne tous azimuts pour le « Oui » ou le « Non » menée par certains responsables politiques, en violation de la loi électorale no 019/2024/ du 5 août 2024.
En son article 69 sur la campagne référendaire, la loi dispose que « la campagne est ouverte par décret, pris sur proposition du ministre de l’Intérieur, « le dixième jour » qui précède le scrutin pour l’élection référendaire ».
S’agissant de la transparence des élections, un communiqué du Comité pour la transition et la restauration des institutions (CTRI), publié au lendemain du Dialogue national inclusif, tenu en avril dernier, indique que : « L’organisation des élections sera entourée de toutes les garanties de transparence, de liberté et de participation. »
L’opinion veut bien y croire, à condition que ses droits à la liberté de conscience et à la dignité soient respectés. En effet, tous les Gabonais.es ont le droit de connaître le contenu du texte de la future Constitution, les étapes qui mènent au référendum, y compris la date, qui demeure un mystère, et d’avoir le libre arbitre entre le « Oui » ou le « Non » à la future Constitution.
Le processus devant consacrer le retour à l’ordre constitutionnel est l’aboutissement du coup d’État du CTRI qui a évincé Ali Bongo Ondimba du pouvoir le 30 août 2023 et ouvert la voie « au renouveau de la Nation gabonaise ». Un an après l’arrivée des militaires au pouvoir, où en est notre pays et que nous réservent les mois à venir ?
Conformément au chronogramme de la transition, le référendum sur la nouvelle Constitution sera suivi, dès janvier 2025, des travaux sur le nouveau Code électoral et la tenue, en août 2025, des élections générales. Cette échéance devrait marquer la fin de la transition. Les militaires s’effaceront de la scène politique au profit des civils qui seront les seuls autorisés à se présenter aux élections générales.
En prélude auxdites élections, le ministère de l’Intérieur procédera, au mois d’avril, à la révision de la liste électorale suivie, en juillet, de la distribution des cartes d’électeur et de la mise en place du matériel électoral.
La Rédaction
MOTIVATIONS D’UN PUTSCH INATTENDU
Le coup d’État des forces de défense et de sécurité, réunies au sein du Comité pour la transition et la restauration des institutions (CTRI), a marqué un tournant majeur dans l’histoire du Gabon. La rupture avec le régime Bongo qui a régné pendant plus de cinq décennies a été saluée par l’opinion, qui rêvait depuis les années 1990 d’une réelle alternance politique.
Dès l’annonce du putsch du 30 août 2023, le CTRI s’est expliqué sur ses motivations profondes. Celles-ci incluent les résultats tronqués des élections du 26 août 2023, les multiples accusations de mauvaise gouvernance, de corruption et de fraude électorale sous le précédent régime. Après l’annulation du scrutin, le CTRI a promis de réformer le système politique et électoral, de restaurer les institutions publiques et la dignité des Gabonais.es.
Le nouveau leadership militaire
Le nouveau pouvoir est incarné par le général Brice Clotaire Oligui Nguema. Il assure la présidence de la transition. Dès son arrivée au pouvoir, il s’est engagé à rompre avec le passé, malgré le scepticisme de certains observateurs sur les changements annoncés. Pour autant, le coup d’État a été accueilli favorablement.
Après des années de mécontentement face à la gestion scabreuse du régime Bongo, l’opinion gabonaise a salué l’arrivée au pouvoir des militaires. Si d’aucuns s’inquiètent de la capacité du CTRI à tenir ses promesses d’organiser une transition démocratique, d’autres, en revanche, ont foi en la construction du Gabon nouveau.
Au niveau international, le coup d’État a provoqué des réactions contrastées. Alors que certaines organisations, comme l’Union africaine (UA), ont condamné le putsch du CTRI, des pays comme la France ont appelé à une transition pacifique et rapide vers un retour à l’ordre constitutionnel.
Le Gabon s’achemine vers l’adoption d’une nouvelle loi fondamentale qui fera l’objet d’un référendum dans les prochaines semaines. Selon le Comité constitutionnel national, le texte répond aux attentes des populations. Au-delà des dispositions politiques, afférentes notamment au retour au régime présidentiel, le document contient des éléments de continuité et de nouveauté. La nouvelle dimension de la loi fondamentale intègre :
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- La restauration de la dignité humaine.
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- La souveraineté du Gabon sur les ressources nationales.
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- La protection de l’environnement.
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- La reconnaissance de la société civile.
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- La décentralisation des pouvoirs.
La réforme institutionnelle
La réforme institutionnelle s’impose comme un passage obligé en cette période de transition, afin de doter le Gabon d’un environnement politique stable et d’institutions fiables, d’améliorer l’efficacité de la gouvernance et du système judiciaire, de combattre la corruption et d’attirer les investisseurs étrangers. Le processus devrait aboutir à l’instauration de la démocratie pluraliste et d’un État de droit.
L’alternance politique
Pendant que certains compatriotes exhortent le président de la transition à se présenter à l’élection présidentielle de 2025, des voix s’élèvent dans l’opinion pour exiger le respect des engagements pris par les autorités de transférer le pouvoir aux civils.
La relance de l’économie
Le CTRI a pour ambition de diversifier l’économie nationale. Au-delà du bois, des mines et du pétrole, il entend développer les autres secteurs de l’économie, notamment l’agriculture, l’énergie, le numérique, la pêche et le tourisme. Cependant, le Gabon fait face à des défis majeurs, en particulier la réduction des inégalités, le paiement de la dette et le regain de confiance des investisseurs étrangers.
L’appareil militaire
Garant de l’intégrité territoriale, défenseur des intérêts vitaux de la Nation, l’appareil militaire est en cours de restructuration. Le processus intègre la revitalisation complète des forces de défense et de sécurité (FDS), la revalorisation du statut des militaires basée sur l’actualisation des textes législatifs et l’amélioration notable des conditions de vie et de travail.
Une nouvelle page d’histoire
La transition ouvre une nouvelle ère placée sous le sceau du renouveau, de la reconstruction nationale et de la restauration de la dignité des Gabonais.es. La réussite du Gabon nouveau dépendra largement de la capacité de ses dirigeants à répondre aux attentes du peuple et à conduire les réformes promises, tout en maintenant la stabilité et la solidarité.
Annie Mapangou
LE GÉNÉRAL OLIGUI NGUEMA A PRÊTÉ SERMENT

Au lendemain du coup d’état pacifique, sans violence ni effusion de sang, survenu au Gabon le 30 août à l’aube, le général de brigade Brice Clotaire Oligui Nguema a prêté serment le lundi 4 septembre 2023 en tant que président de la transition au palais présidentiel du bord de mer de Libreville.
Devant les juges de la Cour constitutionnelle et de nombreux invités*, il a jugé important ‘’que les gabonais de toutes les couches sociales s’accordent pour adopter une nouvelle constitution par référendum, un nouveau code électoral et un code pénal fiables qui garantissent à tous les mêmes chances.’’
‘‘Le Gabon mérite une gouvernance assainie plus en phase avec les normes internationales en matière de respect des droits humains, de libertés fondamentales, de démocratie et d’état de droit’’.
Le président de la transition s’est engagé, pour qu’à l’issue de la transition, le Gabon soit doté ‘‘d’institutions fortes, démocratiques et crédibles’’. Il veillera également, ‘’avec l’accord de tous les gabonais et des partenaires au développement, à ce que le pouvoir soit remis aux civils en organisant, dans la paix sociale, de nouvelles élections libres, transparentes et crédibles.’’
Donnant force à son discours, le président de la transition a cité les défunts présidents Omar Bongo et Jerry Rawlings.
- “Dieu ne nous a pas donné le droit de faire du Gabon ce que nous sommes entrain de faire. Il nous observe, il dit amusez-vous, mais le jour où il voudra aussi nous sanctionner, il le fera.”
- “Lorsque le peuple est écrasé par ses dirigeants avec la complicité des juges, c’est l’armée qui lui rend sa dignité et sa liberté.
Le président de la transition a également cité le militant des droits de l’homme Desmond Tutu, qui disait : “Si vous êtes neutre dans des situations d’injustice, vous avez choisi le côté de l’oppresseur.
“Dans un moment d’intense émotion, le général Oligui Nguema a adressé une pensée spéciale aux Gabonais de la diaspora et “aux compatriotes qui auraient aimé vivre ce jour mais nous ont précédés dans l’au-delà. Je pense à tous les partisans du changement : Simon Oyono Aba, Martine Oulabou, Pierre-Louis Agondjo-Okawe, Pierre Mamboundou Mamboundou et André Mba Obame, pour ne citer que ceux-là.”
La politique et l’administration étant des domaines de souveraineté nationale, le général Oligui Nguema a déclaré avoir entrepris des consultations avec les forces vives de la nation. ‘’Leurs préoccupations sont légitimes et limpides. Nous allons nous atteler avec le gouvernement qui va être mis en place à donner à tous des raisons d’espérer une vie meilleure.’’
Se félicitant “des temps heureux, rêvés par nos ancêtres, qui arrivent enfin chez nous”, l’auteur du coup d’état qui a renversé le régime d’Ali Bongo Ondimba a estimé “qu’il faut un changement profond, issu de notre réflexion commune.”
Des mécanismes seront mis en place ‘’afin de faciliter le retour au pays de tous les exilés politiques, rétablir la bourse pour les élèves du secondaire, amnistier les prisonniers d’opinion, financer l’économie nationale avec les partenaires locaux et les institutions financières locales.’’
La création d’une synergie avec l’accompagnement des banques locales pour le paiement des pensions des retraité.es, la révision des conditions d’attribution de la nationalité gabonaise et les lois du foncier sont d’autres mesures annoncées par le général Oligui Nguema.
*La presse, des représentants de la société civile, des confessions religieuses et du monde des affaires, ainsi que des dignitaires de l’ancien régime étaient à la prestation de serment du général Oligui Nguema.
Flavienne L. Issembè