TRANSITION : UNE FENÊTRE DE TOUTES LES ESPÉRANCES...
MAIS AUSSI DE TOUTES LES CRAINTES...

Les coups d’Ėtat, quoique banals dans certains pays africains, sont des moments inédits dans d’autres. C’est précisément le cas du Gabon qui, dans la nuit du 29 au 30 août 2023, a connu un coup d’Ėtat aussi improbable qu’imprévisible tant le pays dirigé d’une main de fer depuis cinquante-six ans par la famille Bongo (1967-2023), donnait l’impression d’être une forteresse immobile et inamovible qu’aucune élection, toutes truquées depuis le rétablissement du multipartisme en 1990, ne semblait ébranler.
Et pourtant, le régime Ali Bongo, forgé dans le putsch électoral de 2009, avait fini par se convaincre que le cycle macabre tripatouillage des résultats électoraux-répressions féroces des contestations populaires était l’unique moyen de conserver et de perpétuer un système pouvoiriste n’offrant aucune perspective de développement à la population.
Ainsi, après l’effondrement inattendu de ce système que d’aucuns qualifiaient d’indestructible, le pays dirigé par le général de brigade Brice Clotaire Oligui Nguema s’est engagé le 4 septembre 2023 dans une transition politique, ouvrant ainsi la voie à un nouveau chapitre de son histoire.
Il faut rappeler que le coup d’Ėtat de la nuit du 29 au 30 août 2023 intervient au moment où le peuple gabonais attendait avec un peu d’espérance et beaucoup d’inquiétudes les résultats des élections générales du 26 août (présidentielle, législatives et locales). Car tout le monde craignait qu’Ali Bongo, affaibli par un accident vasculaire cérébral en octobre 2018, soit de nouveau déclaré vainqueur d’un scrutin truqué comme en 2009 et en 2016. Avec en prime des dizaines de morts, des centaines d’arrestations et de blessés.
Mais le « Coup de la libération » est passé par là, surprenant tout le monde et marquant de façon spectaculaire la fin du règne de la dynastie Bongo sans la moindre effusion de sang.
Dès lors, les militaires organisés autour du Comité pour la transition et la restauration des institutions (CTRI) ont engagé le Gabon dans une transition politique de deux ans avec en perspective un retour à l’ordre constitutionnel à l’issue d’une élection présidentielle libre et transparente marquant le transfert du pouvoir aux civils.
Ce scénario décliné lors de la prestation de serment du président de la transition, Brice Clotaire Oligui Nguema, le 4 septembre 2023, a ouvert la voie à toutes les espérances d’un changement et d’une véritable alternance démocratique au Gabon. Entre tentation du pouvoir et pouvoir de la tentation, le général devrait choisir sa voie. Tandis que le peuple, lui, pourrait bien avoir à faire le choix difficile entre un homme fort (le président libérateur) et des institutions fortes dont le pays a cruellement besoin depuis des décennies.
Néanmoins, à l’épreuve des faits, après une année de transition dominée par des projets de réformes institutionnelles avec la tenue en fin d’année du référendum sur la nouvelle Constitution et de grandes avancées sur le développement des infrastructures, la prochaine élection présidentielle, prévue en août 2025, pourrait bien ternir ce tableau. Et pour cause, entre les manœuvres politiques de certains acteurs des institutions de la transition appelant à la candidature du président Oligui Nguema et le respect des engagements pris par lui de restituer le pouvoir aux civils, un fossé se creuse désormais.
Si, pour l’heure, le président de la transition ne s’est pas encore déclaré candidat à la prochaine élection présidentielle, beaucoup d’observateurs avisés craignent néanmoins que cette candidature éventuelle opportunément permise par la Charte de la transition, promulguée au lendemain du coup d’État, ne vienne remettre en cause les acquis et espérances d’un retour à l’ordre constitutionnel engrangés jusqu’à présent.
Quoi qu’il en soit, en Afrique subsaharienne aujourd’hui, les élections truquées et les transitions politiques post coup d’État militaire sont encore loin d’offrir toutes les garanties d’une alternance politique démocratique.
Sentiment Ondo Elibiyo