UNE VISION. UN RÊVE. UN IDÉAL.

UN VISION. UN RÊVE. UN IDÉAL.

De toutes les couleurs et de toutes les saveurs, les plats dʼEric Benjamin Mankey Akogbeto titillent les papilles et les sens de ses clients. Agé de 50 ans, il est depuis un an le top chef du Restaurant Mannah Kitchen situé à Okala, dans la commune dʼAkanda. Initié à lʼart de la gastronomie au début des années 2000 aux Etats-Unis, particulièrement à lʼInstitut français culinaire de New York, M. Mankey Akogbeto est passionné de nutrithérapie.

 

Alumni de la classe de 2012, cet adepte de la médita- tion, du yoga et de la prière a cultivé sa passion pour la cuisine bien faite sur la base dʼexpériences pure- ment vécues. Son but aujourdʼhui est de partager son savoir avec le public et de lui rappeler que les aliments que nous consommons ont un impact sur notre santé. Rencontre dans les locaux de Mannah Kitchen.

 

« Vivre » : Monsieur Mankey Akogbeto, qu’est-ce que la gastronomie ?

 

Eric B. Mankey Akogbeto : Le mot gastronomie vient de gastrique. La gastronomie consiste à donner au consommateur la capacité de bien assimiler et digérer lʼaliment. Quand on parle de gastronomie, on parle dʼune expérience culinaire qui prend en compte et qui titille tous nos sens, le goûter, lʼodorat, la vue. Toute personne qui se dit gastronome est, de facto, portée sur le bien-être de lʼhomme à travers lʼalimentation. A chaque fois quʼon parle gastronomie, vous verrez que ce sont de petits légumes coupés très fin, ce sont des plats montés très fins. Pourquoi ? Plus les aliments sont découpés petits, mieux ils sont ingestés, digérés, assimilés. En coupant petit on ne demande pas trop dʼeffort à lʼintestin grêle et au gros intestin pour faire leur travail. La gastronomie cʼest une assimilation rapide et effective des aliments, des nutriments.

 

Quelle est votre expérience personnelle en tant que gastronome ?

 

En quête dʼun accomplissement personnel, je quitte le Gabon au début des années 2000 pour les Etats-Unis. A mon arrivée dans ce pays, mon organisme subit un choc. Jʼai des reflux gastriques. Je fais une intolérance au lactose. Je décide de mʼinvestir dans le monde culinaire et je concentre mes efforts sur la base dʼun besoin purement personnel pour me sentir mieux. Jʼac- quière les techniques de lʼart culinaire, je les mets en pratique et, très vite, je constate un impact quant à lʼamélioration de ma santé. Mon alimentation se porte sur les fruits et légumes. Chemin faisant, je passe dans plusieurs restaurants et je vois différents types dʼopérations.

 

Mon expérience proprement dite en tant que gastro- nome commence dès le premier poste que jʼai en cuisine, celui de lave-vaisselle. En cuisine, le premier ordre du jour cʼest la sanité des récipients, de lʼespace dans lequel on veut cuisiner. En gastronomie, tout com- mence en fait avec lʼhygiène des lieux, du matériel de cuisine, des réceptacles dans lesquels nous allons servir. Au-delà de cette expérience, jʼai fait un stage dans un restaurant 3 étoiles de Manhattan, à New York, qui sʼappelle Océana. Honnêtement, cette expérience a élargi mes papilles gustatives, mon palais, et mʼa amené à voir la nourriture, lʼaliment, sous plusieurs facettes.

 

Je tiens à préciser que mon arrivée à New York coïncide avec lʼémergence dʼun nouvel état de conscience au sein de la population. Les Américains commencent à comprendre que lʼaliment et leur rapport avec lʼaliment pendant les quarante dernières années ont causé beau- coup de maux dans la société. Sur le plan économique, les gens nʼont pas la capacité de pouvoir accéder de manière aisée aux fruits, aux légumes et, mieux encore, aux techniques de cuisine saine. Lʼarrivée des tops chefs en 2005 va exposer au public la manière dont il faut réellement approcher lʼaliment, la relation que lʼaliment a avec la sanité du corps, dʼune part, et les différentes facettes des cuisines du monde, dʼautre part.

 

Comment vous sentez-vous aujourd’hui ?

 

Regardez-moi, jʼai 50 ans. Jʼai la pêche. Honnêtement, je nʼaurais jamais pu imaginer quʼà 50 ans je me senti- rais encore avec la vigueur dʼun homme qui est entre sa vingtaine et sa trentaine.

 

Un livre a éclairé votre lanterne. Lequel ?

 

Ce livre intitulé « 4 groupes sanguins. 4 régimes » a été écrit par un biologiste américain du nom de Peter James DʼAdamo. Il établit dans ses études une corrélation directe entre lʼaliment et la sanité du corps humain, entre les groupes sanguins et lʼalimentation. I

 

Il était biologiste et étudiait les chromosomes. Il a décodé ce qui sʼest passé dʼun point de vue de la génétique humaine. Ses recherches ont été également mises en évidence par dʼautres chercheurs. Les grands groupes sanguins A – B – O ont été définis sur le temps, sur des milliers dʼannées, par rapport aux migrations humaines et à travers ces migrations des peuples qui se sont sédentarisés pendant un long moment dans des habitats géographiques particuliers. Selon DʼAdamo, le groupe A date du néolithique et sʼest défini par rapport à la cueillette. Les personnes de ce groupe étaient plus frugivores. Le groupe B sʼest défini par rapport à la cueillette, mais aussi par rapport à la pêche. Le troisième, le groupe O, le groupe universel, est le plus récent. Il mange tout. Après, nous avons des groupes spécifiques Rh, Rh+, Rh- ou le A+, le A-, le B+, le B-, le O+, le O-.

 

Vous rentrez au Gabon en 2017 ? Quel est votre regard à l’époque sur l’alimentation des Gabonais ?

 

Quand jʼarrive en 2017, je fais le tour de ce qui se passe. Je vais sur la toile et je constate, en regardant les photos, que la nourriture est marron, doré. Je me rends compte quʼil y a beaucoup dʼhuile dans les plats. Je ne vois pas beaucoup de couleur sur les assiettes sachant quʼune alimentation qui est équilibrée est une alimentation qui est variée en légumes. Au-delà, je retourne dans mes mémoires du passé. La première personne qui a attiré mon attention sur les risques de nocivité du gras était ma propre mère. Depuis tout petit, elle disait, il ne faut pas préparer avec trop dʼhuile.

 

La cuisine gabonaise est bonne. Je mʼexplique. Elle est riche en légumes. Cela dépend des zones du pays dans lesquelles on se trouve. Par exemple, du côté du littoral, on mange des feuilles (légumes verts), mais on nʼen mange pas autant que dans le Haut-Ogooué. On consomme beau- coup de poisson. En outre, je me rends compte que dans la culture Myènè, la cuisine a incorporé de la nourriture française, telle que le porc, dans ses assiettes. Au-delà, il y a des pratiques culinaires basées sur les viandes de brousse. Ces viandes portent en elles beaucoup dʼinfesta- tions, de maladies. Si tu cuis cette viande et la consomme, quel effet a-t-elle sur toi ? Ça peut nuire à ta santé.

 

Pour résumer, je dirai ceci : la cuisine gabonaise a besoin dʼêtre totalement réformée. Il faut sensibiliser les popula- tions aux méfaits de lʼaliment sur leur santé. Il nʼy a pas de fatalité. Si vous mangez sainement, vous irez mieux et serez plus productif. Je me suis rendu compte en faisant mes recherches que lʼaliment a la capacité de faire grandir le coefficient intellectuel. Une population qui est raisonnée, qui est poussée sur lʼintellect et la pensée, et qui sait comment résoudre les problèmes, est une population qui est bien alimentée.

 

Votre regard sur l’alimentation des Gabonais a-t-il changé depuis 2017 ?

 

Mon regard a changé un tout petit peu. Au bout de six ans, quand je regarde les restaurants, je vois un peu plus de couleurs dans leurs assiettes, mais je me rends compte que le plus grand nombre travaille de la même manière à quelques différences près des cellules familiales qui sont plus enclines à approcher la nourriture de manière saine. Mais quand on mène une étude, quand on veut impacter toute une nation, on regarde dans la macro-démographie de cet espace et, là, je peux vous dire clairement que on est encore très loin.

 

Avez-vous relevez des changements alimentaires notoires chez les clients qui fréquentent votre restaurant, Mannah Kitchen ?

 

On a commencé fin 2018, après mon passage au Radisson, au Nomad, etc. Au bout de quatre ans, je livrais à manger à plusieurs clients qui, très vite, ont été sensibilisés par rapport à mon canevas et y ont adhéré volontairement. Ils ont compris que ça cʼétait bon ou pas. Effectivement, certaines personnes, y compris celles qui viennent ici au restaurant, disent quʼelles commencent à changer leurs habitudes alimentaires.

 

Avez-vous des clients qui suivent un régime spécifique adapté à leur profil sanitaire ? Dans l’affirma- tive, sont-ils en meilleure santé ?

 

Nous avons amené plusieurs clients à retrouver leur santé. Les résultats parlent dʼeux-mêmes. Récemment, un client, accom- pagné de trois personnes, dont je tais le nom, est venu nous voir et nous a dit quʼon lʼa orienté vers nous. On aborde la conversation mais je me rends compte quʼil ne dit pas la raison de sa venue. Il finit par me dire quʼil souffre dʼune stéatose hépatique, c’est-à-dire dʼune accumulation de graisse dans le foie. Son autre nom est la maladie du foie gras. Quand cet organe, qui filtre le sang, accumule trop de gras, le sang nʼarrive plus à pénétrer le foie. Tous les éléments qui sont supposés être purifiés par le sang se reversent sur les autres systèmes. Le client développe un ventre ballonné. Je lui ai demande son âge, son groupe sanguin, ses habitudes alimen- taires. Très vite, à cause de mon humble expérience, jʼarrive à voir quels types dʼaliments associer à son problème.

 

Quand avez-vous ouvert le restaurant proprement dit ?

 

Nous avons ouvert le restaurant Mannah Kitchen en février 2022. Avant cette étape, tout en faisant mes prestations dans les hôtels précités, mon laboratoire était à la maison. Peu importe lʼendroit où je suis, je travaille toujours comme un professionnel. Jʼai eu le temps de bien me lancer dans la composition des assiettes, dans lʼétude des aliments du terroir. Par exemple, je me suis approprié une encyclopédie, qui avait été écrite, éditée par Mgr Raponda Walker, qui sʼintitule « Les plantes du Gabon ». Dans cette encyclopédie, il détaille les différentes plantes, leurs propriétés nutritives, culinaires et médicinales. Et, aujourdʼhui avec internet, tout ce que tu cherches, tu trouves. Tous les aliments avec lesquels je travaille, je les ai déjà étudiés. Je les ai sélectionnés par rapport au public gabonais.

 

Quels sont les défis de Mannah Kitchen ?

 

A mon avis, ici au Gabon, dans le domaine culinaire, on nʼa pratiquement pas de main-dʼœuvre qualifiée. Cʼest un grand défi. Cʼest à ce niveau que lʼon se rend compte que lʼon doit éduquer les populations gabonaises par rapport aux méfaits dʼune alimentation malsaine ainsi que les professionnels du métier à trouver des solutions alternatives.

 

 

Quelle est votre vision pour l’avenir ?

 

Ma vision pour lʼavenir est simple. Je lʼai élucidée de manière pratique dans notre menu. Voici la vision, voici lʼidéal, voici le rêve. La vision est celle de rendre acces- sible, à tous (tes), lʼapplication théorique et pratique de lʼétude de lʼaliment en connexion directe avec les diffé- rentes fonctions de lʼorganisme humain. Le rêve est celui de servir lʼhomme dʼun point de vue nutritif, celui dʼéveiller ses sens ainsi que son intérêt par rapport à une alimentation rapide, saine et goûteuse. Lʼidéal est celui de voir sʼépa- nouir une société pleine de vitalité et de bien être. Hippo- crate disait il y a environ 5 000 ans : « Que lʼaliment soit ton médicament et que ton médicament soit ton aliment. »

« Un esprit sain dans un corps sain », Juvenal le poète, 356 avant Jésus-Christ.

 

 

Le mot de la fin.

 

Nous avons des aliments locaux. Jʼai pu les répertorier à travers mes études. Dans leur teneur, ces aliments sʼadressent directement à la majeure partie des problèmes chroniques auxquels font face les populations gabonaises. Jʼai mené cette étude et je me suis rendu compte que la plupart des produits locaux étaient accessibles à la majeure partie de la population et que certains, comme lʼaubergine, font partie du panier de la ménagère.

 

 

Un repas qui nʼest pas équilibré va directement avoir un impact sur toute la sanité du corps, affaiblir le système immunitaire, favoriser le développement de bactéries, de certaines pathologies ou maladies qui vont mener de manière lente ou progressive lʼindividu à la mort. Nous avons besoin dʼacquérir les rudiments essentiels pour mieux prendre soin de notre santé. La santé, excusez-moi de le dire, nʼest pas (seulement) dans les pharmacies.

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