SÉCURITÉ SANITAIRE DES ALIMENTS

SÉCURITÉ SANITAIRE DES ALIMENTS

Maryse Colette Adiaheno, ingénieure en science des aliments et conseillère de la Directrice générale de l’Agence gabonaise de sécurité alimentaire

Ingénieure en science des aliments et conseillère de la Directrice générale de l’Agence gabonaise de sécurité alimentaire (AGASA), Maryse Colette Adiaheno s’est vu confier la charge du projet de Laboratoire d’analyse alimentaire (LAA) en 2021. Dans l’entretien qu’elle a bien voulu accorder à « Vivre », elle explique l’importance de la sécurité des aliments pour la santé publique, situe le rôle du LAA et en dresse le bilan.

« Vivre » : Que recouvrent les notions de sécurité alimentaire et de sécurité sanitaire des aliments ?

Maryse Colette Adiaheno : La sécurité alimentaire est le fait d’assurer à tous les êtres humains un accès physique et économique à une nourriture suffisante, saine et nutritive, le but étant de leur permettre de satisfaire leurs besoins énergétiques et leurs préférences alimentaires afin de mener une vie saine et active.

Venons à présent au second volet de votre question. La sécurité sanitaire des aliments est l’une des composantes les plus importantes de la sécurité alimentaire. Avoir à disponibilité une quantité suffisante d’aliments est bien, mais avoir une quantité suffisante d’aliments sains, sûrs, salubres et nutritifs est mieux.

Quelle est la situation de la sécurité sanitaire des aliments au Gabon ?

La sécurité sanitaire des aliments est un vaste chantier parce qu’il en va des habitudes des populations et des commerçants. A ce titre, elle relève de la sensibilisation et de l’éducation du public. Pour ne citer qu’un exemple, comment s’assurer qu’un boutiquier qui a l’habitude de débrancher son frigidaire tous les soirs par mesure d’économie d’électricité ne le fasse plus à la longue ? Il devrait comprendre que son geste a un impact sur la qualité des aliments. Il faut sensibiliser aussi bien les commerçants que la population aux bonnes manières de faire, de se comporter, de conserver les aliments pour éviter, in fine, de se retrouver avec des produits impropres à la consommation.

Je dois ajouter que malgré son jeune âge, l’AGASA a fourni énormément d’efforts depuis la date de sa création, en 2011. Elle est passée par une longue période de sensibilisation des populations et des différents secteurs alimentaires, qu’il s’agisse de l’industrie, des producteurs locaux, des importateurs, des distributeurs, de l’alimentation de rue, des abattoirs, de la pêche industrielle et artisanale. Avec l’aide des autorités publiques, l’Agence pourrait atteindre ses objectifs d’ici cinq ans. Elle a mis en place des plans de surveillance pour s’assurer de la qualité sanitaire de la chaine alimentaire. Concernant justement ce volet, il faut dire que les autorités publiques sont rigoureuses sur la qualité des produits locaux et importés dans l’optique d’atteindre un niveau sanitaire irréprochable de la chaine alimentaire. Aujourd’hui, la sécurité alimentaire connait une nette amélioration. Il est vrai que le Gabon est encore dépendant de l’extérieur pour l’approvisionnement, mais la production locale est en plein essor.

Le Laboratoire d’analyse alimentaire (LAA) de l’AGASA est chargé du contrôle et de l’évaluation de la qualité sanitaire des aliments. C’est quoi au juste le contrôle et l’évaluation ?

Le contrôle et l’évaluation sont deux pans différents. Le contrôle s’apparente à l’inspection. Une fois que les produits sont sur le marché, on procède à des inspections sur le terrain, on vérifie par le toucher, l’odorat, la coloration des aliments pour voir s’ils sont sains et bien conservés. En bout de chaine du contrôle arrivent les analyses en laboratoire. Lorsqu’on a une suspicion sur un produit, des échantillons de ce produit sont envoyés au LAA pour pouvoir lever l’équivoque sur sa qualité.

L’évaluation, c’est tout autre chose. L’évaluation se fait avant l’arrivée du produit sur le marché. On cherche à connaitre la provenance du produit et ses composantes, et s’assurer qu’il est propre à la consommation. Là, également, le laboratoire doit intervenir pour faire des analyses sur la qualité nutritionnelle, sur la qualité sanitaire du produit pour savoir si en consommant ce produit il n’y a aucun risque sanitaire.

D’où, la mise en place du LAA en octobre 2021 ?

Doter l’AGASA d’un LAA était, plus qu’un besoin, une nécessité réelle pour aider à la prise de décision de l’Agence et de toutes les autorités publiques qui traitent du secteur alimentaire. C’était une volonté manifeste de la Direction générale, avec à sa tête Mme Alia Maganga Moussavou qui a pris ce projet comme une affaire personnelle. Le LAA a été mis en place en treize mois, de septembre 2020 à octobre 2021. C’est une première en République gabonaise. Celle-ci résulte d’un impératif de répondre à plusieurs problématiques surtout dans les domaines de la gestion et du suivi des plans de surveillance. L’AGASA s’est rendue compte qu’on ne pouvait pas atteindre nos objectifs tant qu’on n’aurait pas de réponse scientifique. Collaborer avec des laboratoires extérieurs était une obligation, mais non seulement le délai de rendu des résultats était long, en plus la conservation des échantillons envoyés dans les laboratoires à l’extérieur n’était pas garantie. Donc, il nous fallait obligatoirement un laboratoire physico-chimique et microbiologique pour pouvoir répondre de manière rapide et exacte à toutes les équivoques sur la qualité de certains aliments. Le LAA contribue aujourd’hui à la diminution des risques liés à la présence des résidus de produits phytosanitaires, des métaux lourds et des bactéries pathogènes contenus dans les produits et denrées alimentaires, d’une part. Il offre éventuellement aux usagers des analyses fiables et de qualité pour la mise sur le marché de leurs produits, d’autre part.

Le contrôle et l’évaluation de la qualité sanitaire des aliments s’étendent-ils aux aliments importés ?

Effectivement, il y a un arrêté, l’arrêté 006/MAEPA du 31 mars 2021, qui fixe les modalités d’importation des denrées alimentaires animales et des produits d’origine animale en République gabonaise. L’arrêté stipule que chaque importation doit être accompagnée de résultats d’analyses effectuées dans un laboratoire d’analyse accrédité par le pays d’origine ou exportateur. Dans le cas contraire, une analyse des produits à l’arrivée est obligatoire et conditionne donc la libération, la mise sur le marché des produits importés. Pour ne citer qu’un exemple, si nous recevons, 5 à 6 échantillons différents de poulet importé d’Ukraine et que nous constatons de manière récurrente qu’il y a de la salmonelle, nous allons chercher à savoir pourquoi. En réalité, c’est une interprétation des bilans d’analyse que nous effectuons et ces données sont confidentielles. Nous ne publions ces données que dans le cadre d’un programme, d’un projet. Elles sont réservées à l’AGASA et au ministère de l’Agriculture et de l’Alimentation.

Quels sont les moyens dont dispose le laboratoire pour le contrôle et l’évaluation de la qualité des aliments ?

Le laboratoire d’analyses alimentaires dispose de deux grandes unités : une unité d’analyse physico-chimique, composée d’une section d’analyse de résidus de pesticides et d’une section de dosage de métaux lourds, et une unité d’analyse microbiologique qui effectue toutes les analyses microbiologiques des denrées alimentaires, notamment la recherche des bactéries pathogènes dans les aliments. En plus de ces deux unités purement techniques, nous avons des supports administratifs au sein du laboratoire, dont le bureau qualité, le bureau recherche/développement, le bureau des moyens généraux qui épaule le laboratoire dans la gestion des réactifs et des biens du laboratoire. Pour parler des ressources humaines, nous avons au total 17 agents dont 8 dans les unités techniques et le reste dans les services administratifs.

L’AGASA dispose-t-elle de moyens coercitifs contre les produits qui ne correspondent pas aux normes ?

Le laboratoire ne prend aucune décision. Je m’explique. Lorsque les produits, après inspection de l’AGASA, sont suspects, les inspecteurs de l’Agence font des prélèvements sur place. Les échantillons sont envoyés dans notre laboratoire. Nous faisons les analyses et les transmettons sous pli à l’AGASA. Par rapport aux résultats des analyses, l’Agence prend les sanctions conformément aux textes en vigueur.

Avez-vous le même regard pointilleux sur les produits importés qui sont a priori certifiés par les laboratoires étrangers, mais qui souffrent aussi de manquements ? Comment réagissez-vous, par exemple, à la polémique Nestlé qui a reconnu récemment que son lait était de mauvaise qualité ?

L’AGASA est aujourd’hui la police sanitaire en République gabonaise. Je m’explique. Ses inspecteurs vont sur le terrain, inspectent les produits qui sont commercialisés, qu’ils soient locaux ou importés. Une fois l’équivoque levée sur la qualité sanitaire des produits, ils prennent les sanctions qui s’imposent. Par rapport au regard du laboratoire sur la qualité des produits importés, il faut dire que le Gabon reste dépendant de l’extérieur. Nous nous retrouvons avec bien plus de produits en provenance de l’extérieur que de produits locaux. J’ai mis davantage l’accent sur les produits locaux parce que la roue est assez bien huilée pour les produits importés. Les importateurs doivent justifier des résultats d’analyse probants pour la mise sur le marché de leurs produits sur lesquels l’AGASA a un regard assez pointilleux.

Les inspecteurs de l’Agence sont présents dans les ports, les aéroports et aux frontières terrestres. A chaque fois que des denrées sont importées par l’une de ces voies, ils font un contrôle sur ces produits. Pourquoi ? Parce que le produit peut être certifié bon dès le départ, si les températures de conservation et les moyens de conditionnement ne sont pas respectés lors de son transport, le produit est tout autre à l’arrivée à nos frontières terrestres, maritimes ou aériennes. Les inspecteurs de l’AGASA procèdent à des contrôles organoleptiques, relèvent la température, essayent de vérifier s’il y a des signes de dégradation du produit. Lorsqu’il y a suspicion, ils envoient les produits au laboratoire qui atteste si le produit est bon ou non.

Dans le cadre de la polémique de Nestlé. Si Nestlé a reconnu qu’il avait sur le marché africain des produits de qualité nutritionnelle plutôt pauvre, cela ne veut pas dire qu’ils ne sont pas sains. Ils peuvent être consommés. Ceci dit, il faut savoir qu’en République gabonaise, nous avons des normes sur le lait et les produits laitiers. Oui, quand les produits sont importés, il faut que les normes soient respectées.

Y a-t-il d’autres laboratoires dans la sous-région spécialisés dans le contrôle de la qualité des aliments ?

Oui, il en existe d’autres, notamment au Cameroun et au Tchad, mais aucun laboratoire ne fait d’analyse de résidus de pesticides et la recherche de métaux lourds dans les aliments. Le LAA est le seul à le faire dans la sous-région.

Vous comptez rendre service aux pays de la sous-région ?

Oui, dès que nous aurons l’accréditation.

Un an après l’inauguration du LAA, quels sont ses acquis et ses défis ?

Pour ce qui est des acquis, nous pouvons citer bon nombre d’exemples qui justifient la nécessité d’avoir un laboratoire d’analyses dans ce pays pour mieux protéger la santé du consommateur. Les analyses que nous avons effectuées jusqu’ici ont permis à l’AGASA.et au ministère de l’Agriculture et de l’Alimentation de prendre des décisions en vue d’améliorer la sécurité sanitaire des aliments. Aujourd’hui, le laboratoire est un outil de décision non négligeable du ministère et de l’AGASA parce que les résultats d’analyse permettent d’orienter les politiques publiques.

En termes de défis, je pense que nos défis sont les mêmes que tous ceux qui sont inscrits dans l’Agenda 2030, plus particulièrement l’Objectif de développement durable numéro 3 qui est de donner aux individus les moyens de vivre une vie saine, de promouvoir le bien-être et s’assurer de la pérennisation du LAA parce que nous avons peu de moyens en termes de disponibilité de réactifs et de main-d’œuvre qualifiée. Je pense qu’avec le temps et notre capacité à communiquer dans le domaine de la sécurité alimentaire, nous aurons des personnes qui seront formées à ces métiers-là, qui pourront aider au développement du laboratoire et seront des acteurs de la sécurité sanitaire des aliments au Gabon.

Quelles sont les perspectives du LAA et de l’AGASA ?

Notre objectif à court terme vise la certification d’accréditation. Nous sommes déjà dans la démarche qualité et nous espérons être accrédités d’ici peu. Cela nous permettra d’améliorer notre performance et d’être reconnu non seulement sur le territoire, mais aussi dans la sous-région et au niveau international. Aussi, il faut rappeler que notre laboratoire est un laboratoire d’expertise. Nous avons également pour ambition de développer la recherche. C’est un domaine à explorer en République gabonaise. Nous souhaiterions collaborer avec toutes les entités qui sont garantes de la sécurité alimentaire aux niveaux sous-régional, régional et international.

La recherche va consister à développer de nouveaux produits à base des denrées locales gabonaises. Cela nous permettra, par exemple, d’aller de l’avant pour faire des feuilles de manioc lyophilisées, de circonscrire au mieux les risques et les dangers sanitaires contenus dans les aliments tels que les bâtons de manioc, les « nkoumou » ou les chenilles en les mettant aux normes. Pour le manioc par exemple, il n’y a pas de norme qui circonscrit le taux maximal de cyanure que doit contenir ce produit.

Propos recueillis par Abdanna Ssir

 

L’AVIS DU PUBLIC SUR LA SÉCURITÉ SANITAIRE DES ALIMENTS

Annick : La sécurité sanitaire des aliments consiste à bien garder, bien protéger et bien emballer les aliments.

Jacob : La sécurité sanitaire des aliments concerne notamment l’hygiène et la bonne conservation des aliments.

Kévine : La sécurité sanitaire des aliments consiste à promouvoir une alimentation de qualité.

Quel est le lien que vous pouvez établir entre la santé et l’alimentation ?

Annick : Le lien que je peux établir entre la santé et l’alimentation… est d’avoir une alimentation équilibrée et saine.

Jacob : Une bonne alimentation favorise une bonne santé et le bien-être.

Kévine : Le lien entre la santé et l’alimentation est un lien de cause à effet dans la mesure où ce que nous consommons a un impact sur notre santé.

Qu’est-ce qu’une alimentation saine et équilibrée?

Annick: Une alimentation saine se compose d’aliments frais, tandis qu’une alimentation équilibrée est variée.

Jacob : Une alimentation saine et équilibré réunit tous les aliments. Elle fournit de l’énergie à notre organisme et les nutriments nécessaires.

Kévine : Une alimentation saine et équilibrée est une alimentation qui respecte les normes de l’alimentation.

Quelles sont les précautions que vous prenez à la maison pour manger sain et équilibré ?

Annick : Je nettoie d’abord les aliments avant de les préparer, je les fais bouillir et bien cuire et je garde les ustensiles propres.

Jacob : Concernant les fruits et légumes, je dois d’abord les laver. Pour les produits sous emballage, je vérifie d’abord la date de péremption.

Vous le faites tout le temps ou de temps en temps ?

Annick : De temps en temps.

Kévine : Je conserve les aliments que je consomme, comme le poulet, au congélateur.

Quels sont les risques pour la santé d’une mauvaise alimentation ?

Annick: Une mauvaise alimentation peut causer une malnutrition, des diarrhées, des vomissements, une perte de poids et un manque d’appétit.

Jacob: Carences en vitamine. Malnutrition pour le nourrisson et l’adulte.

Kévine : Les maladies, la constipation, les diarrhées, les vomissements et les infections.

Comment pouvez-vous prévenir les maladies liées à l’alimentation ?

Annick : En mangeant des aliments frais et sains.

Jacob : Il faut bien s’alimenter en consommant cinq fruits et légumes par jour et réunir un minimum de vitamines dans l’alimentation par jour.

Kévine : Le meilleur moyen de prévenir les maladies liées à l’alimentation c’est de manger sainement.

D’après vous, le Gabon veille-t-il, comme il se doit, à la sécurité sanitaire des aliments qu’ils soient importés ou non ?

Annick : Je vais dire que notre système doit être encore plus rigoureux et vigilant.

Jacob: Non. Je le dis à cause des « Nike », les ailes de poulet braisées. Lorsque le restaurateur les grille, il ne prend pas la précaution de les laver. Il les laisse à l’air libre. Sur les pommes, par exemple, Il y’a des dépôts de poussière de la rue. Au Gabon, la sécurité sanitaire alimentaire n’est pas appliquée comme il se doit.

Kévine : Le Gabon veille comme il se doit à la sécurité sanitaire des aliments dans la mesure où nous avons une agence de sécurité alimentaire qui s’occupe de ça.

Avez-vous des propositions à faire pour promouvoir la sécurité sanitaire des aliments au Gabon ?

Annick : Non.

Jacob: Non…

Kévine : Non !

Même pas une stratégie par rapport aux vendeurs des « Nike » ? Vendent-ils dans les meilleures conditions qui soient ?

Annick : Il faut améliorer les points de vente des « Nike ».

Connaissez-vous l’organe chargé de la sécurité sanitaire des aliments au Gabon ?

Jacob: Non.

Annick : L’Agence gabonaise de sécurité alimentaire (AGASA).

Kévine : L’AGASA.

Connaissez-vous sa situation géographique ?

Kévine : L’AGASA est située au quartier Batterie IV.

Propos recueillis par Marlène B. Hombomoto

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