LOGEMENT ET REVENUS PRÉCAIRES

LOGEMENT ET REVENUS PRÉCAIRES

Maisons des matitis au Gabon


La problématique de l’accès à un logement décent au Gabon concerne de nombreuses familles ayant des revenus précaires. Il est indubitable que chaque bailleur dicte sa loi en donnant le montant du loyer, et ce en dépit de l’existence de la loi no 15/63 du 8 mai 1963 régissant les locations et l’immobilier en République gabonaise.


Cette loi, adoptée peu après l’accession du Gabon à l’indépendance, n’a jamais vraiment été appliquée. C’est une sorte de « mercuriale » des loyers. La loi stipule clairement les coûts selon les matériaux de construction. Les loyers des maisons en planche varient entre 50 000 et 90 000 francs CFA par mois et entre 75 000 et 85 000 francs CFA par mois pour les studios. Ceux des maisons en dur vont de 100 000 à 300 000 et ceux des résidences de 700 000 à 1,5 million de francs CFA par mois.


En 2015, l’économiste Mays Mouissi, actuellement ministre de l’Économie et des Participations, indiquait : « La question du logement est confrontée à une absence de schémas directeurs, une politique du logement défaillante et logis précaire. La crise de l’habitat au Gabon n’a cessé de s’accroÏtre depuis son accession à l’indépendance. En dépit de plusieurs annonces de construction de logements, l’analyse des politiques du logement menées et de leurs résultats fait ressortir de nombreuses défaillances qui traduisent l’incapacité de l’État à apporter seul des solutions à cette crise. »


Toujours du point de vue de l’économiste gabonais, « l’annuaire statistique du Gabon sur la période 2004-2008 ? au sujet du volet relatif à l’aménagement de parcelles, révèle que la production annuelle de parcelles par le ministère en charge de l’Habitat et les sociétés sous contrats fut limitée à 90 unités en moyenne par an sur cinq ans. »


« Ainsi entre 2004 et 2008, l’offre disponible en foncier urbain aménagé ne représentait que 1,8% des besoins du marché. Par ailleurs, 7 des 9 provinces du pays n’ont connu aucun aménagement foncier pendant la période. Dans un tel contexte, le logement anarchique et l’habitat précaire étaient devenus l’unique recours pour les populations. »


D’après le Centre pour le financement du logement abordable en Afrique (CAHF) dans son Annuaire sur le financement du logement en Afrique 2022, l’urbanisation rapide et la mauvaise planification urbaine ont entraîné un manque de logements de 260 000 à 300 000 unités, en particulier dans les classes à revenu moyen et faible.


Selon la Banque mondiale, la pauvreté et le chômage, dont les taux figurent parmi les plus élevés au monde, touchent respectivement près de 37 % et 40 % des Gabonais.es. Cette situation contraint les demandeurs d’emploi à exercer une activité dont le revenu mensuel ne leur permet de répondre ni à leurs charges ni aux besoins de leur progéniture.


La crise sanitaire liée au Covid 19, durant laquelle le gouvernement gabonais a pris une panoplie de mesures rudes, a également favorisé le phénomène de la précarité des revenus en raison notamment de la fermeture de nombreuses entreprises. En outre, plusieurs compatriotes ont perdu des emplois qui leur permettaient d’avoir des salaires stables. Une réalité absurde quand on sait que le Gabon est l’un des pays les plus riches et l’un des plus grands producteurs de pétrole de l’Afrique.


De ce fait, l’individu qui perçoit un revenu précaire ne peut que se loger dans les zones où l’insalubrité et l’insécurité règnent. Le bailleur, quant à lui, ne prend pas souvent au sérieux les problèmes de l’environnement. Des familles se retrouvent, bien malgré elles, dans l’obligation de se loger dans une seule pièce à cause du coût élevé d’un logement décent. Quelquefois, l’endroit est très vétuste, étroit et, le plus souvent, le bailleur ne tient pas compte des doléances de ses locataires.


Neige, une jeune femme, s’en plaint. Non seulement l’espace qu’elle loue est très étroit, mais en plus le montant à payer ne correspond pas à l’espace qu’elle occupe. À cela s’ajoute le problème de l’insécurité et le refus du bailleur d’entreprendre des travaux tels que la pose des grilles de sécurité. Selon Neige, il faut prévoir au moins une enveloppe de 100 000 francs CFA par mois pour espérer avoir même une chambre assez vaste.


De son côté, si le bailleur souhaite améliorer les conditions de vie de ses locataires alors que sa situation financière est très précaire, les loyers qu’il récolte chaque mois suffisent à peine pour subvenir à ses besoins et à ceux de sa progéniture. Parallèlement et malheureusement, la réalité sur le terrain ne permet pas au locataire ayant des revenus précaires d’obtenir un logement sain et doté d’un cadre de sécurité fiable. En général, les logements décents sont destinés aux personnes ayant des salaires élevés qui leur permettent de mieux se loger dans les quartiers résidentiels comme Angondjé et Bas-de-Gué-Gué, car le studio est à 150 000 francs CFA par mois.


Sylvie, une bailleresse gabonaise habitant dans la zone d’Angondjé s’explique sur le loyer de son studio à 150 000 francs CFA par mois. « Le matériel est excessivement cher, notamment celui destiné aux finitions. Quant au coût de la main-d’œuvre, il varie en fonction de chaque tâche y compris la sécurisation du logement. Un autre problème concerne le mauvais état de la route, surtout en saison des pluies. »


Le président de la Transition, le général de brigade Brice Clotaire Oligui Nguema, rêve de procurer des parcelles de terrain et des logements accessibles à tous les Gabonais et à moindre coût. C’est d’ailleurs dans cette optique qu’il a instruit le ministre de l’Habitat, de l’Urbanisme et du Cadastre, Ludovic Megne, de procéder à l’élaboration d’un plan d’action axé sur la révision et la baisse des coûts d’acquisition des logements, avec pour objectif principal de favoriser l’accès équitable de tous ses compatriotes à la propriété.

Annie Mapangou

NOS PRÉCÉDENTS MAGAZINES

DES LOGEMENTS POUR TOUS

NOTRE SANTÉ. NOTRE BIEN-ÊTRE