À 37 ANS D'INTERVALLE

À 37 ans d’intervalle, les mêmes erreurs se reproduisent, inexorablement, mettant ainsi en péril la vie et les droits à la santé des personnes qui en sont victimes. La distraction, l’insouciance et la négligence surviennent plus souvent qu’on ne l’imagine dans les structures sanitaires. Il suffit d’une erreur, d’un mauvais diagnostic, d’un traitement inadéquat pour passer de vie à trépas ou trainer des incapacités à vie.
Deux destins, ceux d’une mère et son fils, basculent du jour au lendemain alors que le pire aurait pu être évité. Quelques mois après un premier bilan de santé totalement erroné, MAE se rend à l’étranger où un médecin diagnostique un cancer du sein à un stade avancé. Elle est hospitalisée, subit une double mastectomie et décède six mois plus tard auprès de sa famille. Elle avait 68 ans.
Le sort de RABI est quasiment identique. A l’occasion d’une deuxième consultation médicale, il apprend qu’il est atteint d’une tuberculose multi-résistante et non d’une simple infection pulmonaire comme diagnostiqué précédemment.
La pauvreté ou la négligence expliquent-elles la mort prématurée du septuagénaire ? Pour autant, cela ne disculpe en rien le médecin qui l’a induit en erreur. Hospitalisé deux mois durant, RABI a été soumis à un traitement extrêmement lourd qu’il n’a pas supporté. Il est mort à 73 ans entouré des siens.
A l’instar de MAE et de RABI, n’importe qui peut être victime d’une insouciance, d’une inattention ou d’une négligence médicale. Au-delà de la gravité de ces erreurs, le pire est de voir les coupables continuer à vaquer à leurs occupations. Le témoignage d’un fonctionnaire fait froid dans le dos.
« Nous vivons ce genre de situation tous les jours dans nos centres hospitaliers, notamment aux urgences où un agent de santé peut vous recevoir tout comme il peut vous laisser trainer tant il est occupé à bavarder avec ses collègues. Pendant ce temps, l’état du malade empire au point que nombre de personnes décèdent aux urgences. »
L’insouciance, la négligence et l’impunité tuent. Elles sont une atteinte au droit à la santé, à la dignité et à la sécurité de la personne. En outre, elles mettent à mal la crédibilité même du système de santé dont la mission consiste pourtant à améliorer la santé publique.
Selon un employé de la fonction publique, « les médecins ont des droits qui les protègent. Porter plainte n’aboutit à rien. Mais il est temps que les coupables aillent en prison. La justice doit assumer ses responsabilités ».
Mayondo, un enseignant, estime que « les agents contrôleurs du ministère de la Santé devraient se rendre régulièrement dans les hôpitaux pour voir qui fait quoi et comment afin que des mesures fermes soient prises contre les agents de santé qui n’accomplissent pas correctement leur devoir ».
À quand la stricte application de la loi contre l’impunité en cas d’insouciance et de négligence ? À quand la stricte application de la loi contre la faute médicale ? Il s’agit bien de la faute car l’erreur médicale « ne devient, le cas échéant, une faute que si la responsabilité du professionnel de santé est reconnue par une instance juridictionnelle».
Le système de santé est interpellé à jouer pleinement son rôle qui est d’améliorer, comme il se doit, la santé publique afin de retrouver la confiance des populations gabonaises.
Flavienne L. Issembè