À L’AUBE DE RADIO GABON
UNE ÉPOQUE. UN TÉMOIN.

Quelque part à Libreville, sur la route d’Akwèngo au Cap Santa Clara, vit un baobab. Témoin privilégié de l’histoire des médias, Simon Augé Rapotchombo nous reçoit à sa résidence située au bord de la mer. Dans la fraîcheur matinale, assis à la terrasse de son jardin meublé d’arbres, de fleurs et de sièges Dogon du Mali sculptés de ses mains, le journaliste, créateur et animateur des Dossiers de la RTG qui fut également directeur général adjoint de la Télévision nationale et Directeur général du Centre national du cinéma (CENACI), déroule ses souvenirs.
« L’avènement en 1959 de notre première radio, notre fierté nationale, me paraît bien loin. Non, que dis-je ! C’était hier. J’avais 15 ans. À cette époque, notre pays écoute les radios des deux Congo, d’Afrique du Sud, de France, de Moscou, capitale de l’Union des Républiques Socialistes Soviétiques (URSS), et la Voix de l’Amérique (VOA). Puis, arrive la grande première, la nôtre. Heureux et fier, le public s’exclame : Enfin ! Nous avons notre radio. »
« Ayant compris l’importance que revêtent les médias, et la presse en particulier, pour accompagner le pouvoir, promouvoir l’épanouissement intellectuel et le développement national, le président Léon Mba, et Georges Rawiri, alors journaliste, créent Radio Gabon qui émet le 28 novembre 1959, suivi par la Télévision en 1963 et l’Agence Gabonaise de Presse (AGP) en 1966. »

« Le public perçoit Radio Gabon comme étant la voix du peuple. Avec La Voix des Auditeurs, l’occasion lui est donnée de prendre part à l’émission. Chaque participant est invité à choisir un morceau de musique qu’il dédie à l’une de ses connaissances. Pour ma part, je l’écoute et suis intéressé de connaître le choix musical et son destinataire qui, vous l’imaginez, était impatient d’entendre son nom. »
« Outre La Voix des Auditeurs, nous suivons d’autres programmes, notamment Les Maîtres du Mystère, un feuilleton français sur les drames dans la société française opposant les couples, les concurrents industriels et au sein de l’administration. »
« Radioscopie, une émission réalisée par l’Office de radiodiffusion-télévision française (ORTF), est dédiée à des personnalités publiques réputées de la société française. »
Radio Gabon et l’actualité
« Le Journal Parlé provient de France où le rédacteur en chef, Jacques Alexandre, anime un bureau qui transmet des papiers politiques, culturels et sportifs aux radios africaines. Le contenu s’intéresse à des personnalités africaines connues dont des ministres. En l’absence de professionnels gabonais au sein de la radio, les journalistes sont français. Ils y restent jusqu’à la fin du septennat du président Léon Mba en 1967. »
« Les premiers stagiaires gabonais classent les dépêches par catégorie et les lisent à l’antenne. L’actualité nationale est dominée par les discours des hommes politiques en tête desquels le président Léon Mba, les activités du secteur économique y compris l’exploitation pétrolière et l’ouverture des grands magasins. Les émissions artistiques, de même que les programmes sportifs sur les grands matchs de football, sont au programme. »
Simon Augé intègre la radiodiffusion-télévision gabonaise (RTG) le 16 juin 1964 après avoir participé à un concours de journalistes stagiaires. Un an plus tard, il se rend en France.
« En 1965, je suis admis au concours d’entrée à l’Office de coopération radiophonique (OCORA) à Paris où j’obtiens, deux ans plus tard, un diplôme de qualification d’animateur de programmes. Le concours se déroule en deux sessions. La première session évalue les candidats sur la culture générale, la réalisation de reportages et la présentation du journal. La deuxième phase du concours juge les candidats sur leur aptitude physique et mentale à rester en France. »
« Durant ce séjour, je fréquente et promets à Alain Jérôme, qui animait Les Dossiers de L’Écran, de créer une émission similaire. Ce sera chose faite en 1983 avec Les Dossiers de la RTG qui mettent les ministres sur la sellette. De retour à Libreville, je réintègre Radio Gabon en tant que présentateur du journal parlé. Pour la petite histoire, être à l’antenne faisait de moi quelqu’un qui compte et qui a du succès, notamment auprès des femmes. »
« Entre 1972 et 1985, je grimpe les échelons. Je suis nommé au poste de chef de programmes à la télévision nationale en 1972. Trois ans plus tard, je deviens directeur général adjoint de la télévision. En 1976 me voici directeur de la télévision et en 1985, directeur général du Centre national du cinéma (CENACI). »
Des distinctions suivront : Officier du mérite gabonais (1983), Commandeur de l’ordre du mérite gabonais (1999), Grand officier dans l’ordre du mérite gabonais (2007). Depuis, le temps suit son cours. D’Akwèngo où il vit avec sa femme dans leur propriété, la Nerina Village touristique et balnéaire du Cap Santa Clara au Nord de Libreville avec restaurant, bar, chambres et plage, l’octogénaire observe le monde des médias dont il félicite les améliorations.
« Il y a des progrès. À la télévision, le choix des présentateurs est varié et l’équilibre homme- femme est bon. Au niveau de la qualité, le petit écran est agréable à suivre, mais la programmation des films est faible. À mon avis, il serait indiqué de créer une chaîne spécialisée. S’agissant du numérique, j’avoue ne pas trop y prêter attention.
Je me consacre désormais à l’une de mes autres passions, l’écriture. Je viens d’achever un roman intitulé *AINSI PARLA GRAND-MÈRE*. Je conseille aux jeunes de converser souvent avec les vieux car les personnes âgées discutent avec Dieu. »
Propos reccueills par Flavienne L. Issembè