ALERTE SUR LE CHÔMAGE ET LA SANTÉ

LE CHÔMAGE ET SES CONSÉQUENCES SUR LA SANTÉ
Dr. Jean Marc Ngome Ndong *

Un docteur gabonais donne des conseils préventifs divers

Le chômage désigne une situation dans laquelle une personne qui veut travailler cherche un emploi et ne parvient pas à en trouver un. L’état des lieux dans ce domaine est plus qu’alarmant. En effet, depuis les années 2000, la quête d’un emploi est devenue un véritable cauchemar pour de nombreux Gabonais et Gabonaises, créant une psychose généralisée perceptible lors de toutes les occasions d’offre d’emploi.


Le taux du chômage, qui est le pourcentage de chômeurs dans la population active est à 40 % au Gabon, alors qu’il atteint 35 % dans certains autres pays d’Afrique. Ce fort taux du chômage, couplé à l’absence d’une politique efficace de prise en charge des populations, provoque inévitablement de lourdes conséquences sur leur état de santé.


Dans ce contexte, on peut aisément reconnaître que le chômage présente incontestablement des effets nocifs sur la santé mentale, physique et sociale de nos concitoyens.


Les addictions, les dépendances et les compulsions à l’alcool, aux drogues, à la cigarette et autres substances trouvent généralement leur origine directe ou indirecte dans le chômage et sont le reflet de l’angoisse, l’ennui et la dépression qu’elles causent sur les individus.


Axel Kombila Kombila, sociologue au chômage et porte-parole du Mouvement national des chômeurs gabonais et affiliés (MNCGA), déclare que « ces substances sont un refuge pour le chômeur face à la précarité et, partant, l’incapacité de subvenir à ses besoins primaires et secondaires ».


En l’absence de soins ou de prise en charge efficace, les risques sur la santé physique des populations se traduisent par :

    • Des affections organiques, notamment les cancers du poumon, du foie, du rein et du tube digestif pour ce qui concerne la consommation excessive du tabac, de l’alcool et des drogues. On trouve aussi d’autres affections organiques telles que l’insuffisance rénale et hépatique, des atteintes neurologiques partant des neuropathies simples aux accidents vasculaires cérébraux

    • Des affections métaboliques, notamment l’hypertension artérielle, le diabète et tout autre déséquilibre biologique ou physiologique.

    • Des maladies infectieuses et/ou transmissibles. On y trouve des personnes porteuses du virus du sida, du virus de l’hépatite B ou autres maladies transmissibles.


Des atteintes psychologiques et mentales sont possibles chez des populations vulnérables, partant du simple stress aux états de névroses diverses, aboutissant à des états psychotiques conduisant parfois au suicide.


Les troubles sociaux ne sont pas en reste. En effet, les troubles du comportement observés chez les chômeurs peuvent occasionner des états de violences diverses (agressions, viols, violences domestiques…).


Toutes ces atteintes sont accentuées par l’absence d’une réelle politique d’insertion professionnelle des chômeurs et d’une de prise en charge sociale, psycho-psychiatrique et médicale efficace.


À cet effet, l’insuffisance ou l’inexistence de structures da santé, la difficulté d’accès à la gratuité des soins, les limites de la sensibilisation active et les limites en moyens financiers contribuent négativement à maintenir et à accroître les risques d’atteinte de la santé des chômeurs.


Au Gabon, dans le cadre de la lutte contre le chômage et l’insertion des jeunes dans le monde de l’emploi, les autorités compétentes, dont le Pôle national de promotion de l’emploi, ont mis sur pied un nouveau système d’aide à l’accès à l’emploi. Ce système qui vise, à terme, à permettre l’insertion professionnelle de 60 000 jeunes Gabonaises et Gabonais, dont 20 000 par an entre 2021 et 2023, demeure encore inefficace, au regard de l’affluence observée dans la qualité et la quantité des demandes d’emploi.


Depuis près de trente ans, l’ONG « Agir pour le Gabon », qui lutte contre l’abus et le trafic des stupéfiants, œuvre à interpeller les pouvoirs publics pour la mise en place de stratégies spécifiques de lutte efficaces. Dans cette perspective, elle tisse des liens et collabore avec certaines institutions du pays, notamment la mairie d’Owendo avec qui l’ONG travaille main dans la main tel que décidé récemment, lors de la conférence de presse conjointe tenue le 28 juin à Libreville, à l’occasion de la journée mondiale contre l’abus et le trafic des stupéfiants.


Cette conférence de presse aura donc permis au Dr Alphonse Louma, en sa qualité de président de « Agir pour le Gabon », de réitérer ces propos qu’il ne cesse de marteler sur l’Hôpital psychiatrique de Melen, « seul hôpital du genre, qui ne dispose pas de structure d’accueil des personnes vulnérables. » La mairie d’Owendo s’est d’ailleurs engagée, à cette occasion, à œuvrer pour l’organisation d’activités réservées aux jeunes.


Ces initiatives louables, qui sont une voie de secours à apporter aux chômeurs et aux jeunes désœuvrés, peuvent se multiplier et atteindre l’ensemble des couches sociales. C’est d’ailleurs dans ce cadre que le Conseil des ministres du 25 juin a approuvé « un décret restreignant à 30 % le quota de la main-d’œuvre étrangère » fixé à raison de 5 % pour le personnel d’exécution, 10 % pour les techniciens supérieurs et 15% pour les cadres. Ce quota répond à l’urgence « de valoriser la main-d’œuvre gabonaise et faire coïncider la délivrance des autorisations d’emploi aux besoins du marché ». 


Mieux encore, le Gabon a adhéré le 22 mai au premier programme pays du travail décent pour la période 2024-2027, témoignant ainsi de son engagement à améliorer les conditions de travail des nationaux à travers le renforcement des droits des travailleurs et la promotion du dialogue social.


Au final, dans le contexte politique actuel, caractérisé par la restauration des institutions et la valorisation du citoyen gabonais, la prise en compte du chômage est non seulement un moyen de prévention des affections médicales, mentales et psychiatriques, mais aussi une solution pour la sureté et la sécurité des populations exposées quotidiennement à toutes les formes d’agression physique, voire à la mort.


Cette lutte passe nécessairement par l’insertion professionnelle des chômeurs, la prise en charge sociale des effets induits par le chômage et la prise en charge médicale, psychologique ou psychiatrique des personnes vulnérabilisées par le chômage, ainsi que la mise en œuvre d’une véritable politique exprimée spécifiquement par les pouvoirs publics.



*Le Dr Jean-Marc Ngome Ndong est médecin du travail, spécialiste de la prévention.

MALADIES CARDIO-VASCULAIRES. ALCOOL. TABAC. DROGUE
ENTRETIEN AVEC DR CHRISTELLE AKAGHARAIVENO

La flambée des addictions dans la population gabonaise laisse entrevoir une augmentation des affections cardio-vasculaires, notamment chez les jeunes et les femmes qui s’y adonnent de plus en plus. Dr Christelle Akagharaiveno, cardiologue au Centre hospitalier universitaire de Libreville, dresse un tableau sombre du risque cardio-vasculaire.

 

« Vivre » – Dr Akagharaiveno, quelles sont les maladies cardio-vasculaires causées par l’alcool, le tabac et la drogue, et comment affectent-elles le bien-être ?

 

Dr Akagharaiveno – Les maladies cardio-vasculaires désignent, selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), un ensemble de pathologies touchant le système cardio-vasculaire, constitué du cœur et des vaisseaux sanguins. Elles représentent la première cause de décès et de handicap dans le monde. Le système cardio-vasculaire sert à alimenter l’ensemble des organes du corps humain. En cas d’atteinte de l’un de ces deux éléments, il y aura, par exemple, des répercussions sur :

    • Le cerveau, avec apparition des troubles de la parole, de la marche ou même de la conscience ;

    • Le rein, avec installation d’une insuffisance rénale, qui va empêcher le corps d’éliminer correctement ses déchets ;

    • Le cœur, avec l’insuffisance cardiaque, qui se manifeste par un essoufflement lors de l’effort et des œdèmes des membres inférieurs.


La qualité de vie de la personne concernée s’en trouvera ainsi altérée.


Comment le tabac, l’alcool et la drogue affectent-ils la santé cardio-vasculaire ?

 

Au nombre des facteurs de risque comportementaux des maladies cardio-vasculaires figurent une mauvaise alimentation, le manque d’exercice physique, la consommation de tabac et l’usage nocif de l’alcool.


Il est démontré par la communauté scientifique, et malheureusement pas bien perçu par les populations, que le tabagisme est un facteur de risque cardio-vasculaire majeur. Le tabagisme entraîne la formation de plaques d’athérome à l’intérieur des artères. Ces plaques vont rétrécir voire boucher complètement les artères. En fonction de la région concernée, il se produira une atteinte de différents organes : au niveau du cerveau, il y a l’accident vasculaire cérébral (AVC) et au niveau du cœur, l’infarctus du myocarde, pour ne citer que ces deux-là.


Les effets néfastes du tabac sur la santé sont présents quelle que soit la dose. Ils sont plus importants en fonction de la quantité et la durée du tabagisme, qui peut être actif (concernant le fumeur lui-même) ou passif (concernant celui qui vit dans un environnement de fumeurs). D’où l’importance de la création d’espaces non-fumeurs dans les lieux publics.


S’il est clair que la consommation de tabac est nocive pour la santé, la consommation modérée d’alcool a longtemps été considérée comme saine. Des études récentes n’ont pas pu démontrer les facteurs de protection de celle-ci. Cet avis médical sur le rôle protecteur de l’alcool tend à disparaître. Une consommation excessive d’alcool augmente la pression artérielle et la fréquence cardiaque. L’alcool favorise le surpoids et le stockage des graisses au niveau de l’abdomen, tous deux facteurs de risque cardio-vasculaire.


La drogue, pour sa part, augmente le risque de troubles du rythme cardiaque : le cœur va battre de façon irrégulière et rapide. Un malaise qui sera bien perçu par la personne.


Quelles sont les maladies cardio-vasculaires liées à la consommation d’alcool, de tabac et de drogue ?

 

Comme nous l’avons dit plus haut, toutes ces addictions peuvent être à l’origine des maladies cardio-vasculaires, notamment au niveau :

    • Du cerveau, ce qu’on appelle accidents vasculaires cérébraux (AVC).

    • Du cœur, avec l’insuffisance cardiaque ou l’infarctus du myocarde.

    • Du rein, c’est l’insuffisance rénale.

    • Des pieds, ce sont les artériopathies.


La flambée de ces addictions dans la population gabonaise en général et chez les jeunes en particulier laisse envisager une augmentation des maladies cardio-vasculaires chez les jeunes et les femmes qui s’y adonnent de plus en plus.


Combien de patients souffrant de maladies cardio-vasculaires liées à l’alcool, au tabac et à la drogue recevez-vous par mois et quelle est l’ampleur des dégâts causés par ces substances, en particulier chez les populations pauvres ?

 

L’alcool est incriminé dans près de 44,7 % des accidents vasculaires cérébraux hémorragiques reçus au Centre hospitalier universitaire de Libreville.

Nous suivons de nombreux patients atteints de cardiopathie et présentant une addiction, surtout à l’alcool. La caractéristique principale est le retard de consultation, ces patients arrivant à un stade très évolué de la maladie. Mais en l’état actuel des choses, nous ne disposons pas de statistiques locales nous permettant d’attribuer à l’alcool ou à la drogue l’origine d’une atteinte cardiaque. C’est l’occasion pour nous de susciter ce type d’études.


Quelles sont les raisons que vos patients avancent pour expliquer leur addiction ?

 

Pour expliquer leur addiction, certains évoquent le chômage et la pauvreté. Pour d’autres il s’agit simplement d’une habitude qu’ils ont acquise depuis leur jeune âge et dont ils ont du mal à se défaire. La poursuite de l’information et de l’éducation des populations sur les dangers de ces addictions à l’hôpital, à travers les médias et par le biais des associations, pourrait contribuer à modifier le mode de vie de ces personnes.


Comment accompagnez-vous les patients atteints de maladies cardio-vasculaires liées aux addictions ?

 

D’une manière générale, nous sensibilisons les patients et discutons avec eux de la nécessité de se défaire de ces addictions. Nous les orientons vers les personnes qui peuvent leur apporter un soutien. Nous collaborons avec les psychologues et les psychiatres dans ce sens. Il est vrai que dans notre milieu, les patients ont une idée négative de la consultation de psychologie. Notre travail consiste dans un premier temps à leur faire comprendre et accepter l’utilité de cette démarche.


La santé cardio-vasculaire rime avec l’hygiène de vie. Quels conseils donnez-vous à vos patients et au public en général en matière d’hygiène de vie ?

 

L’hygiène de vie désigne le choix fait par une personne de respecter certaines pratiques qui visent à préserver ou à favoriser la santé. Dans ce domaine, nous conseillons à nos patients et à la population en général d’arrêter le tabac, de ne pas prendre de drogue et d’éviter l’usage nocif de l’alcool. Nous suggérons également de réduire la quantité de sel dans l’alimentation, de manger beaucoup de légumes et suffisamment de fruits, de poisson, de boire suffisamment d’eau de pratiquer une activité physique régulière (si possible, faire au moins 30 minutes de marche rapide chaque jour) et d’éviter les sodas. Il est tout aussi important de trouver du temps pour un sommeil réparateur. Toutes ces mesures aideront à réduire le risque de maladies cardio-vasculaires.


Comment travaillez-vous avec vos patients pour qu’ils adoptent un mode de vie sain ?

 

Le travail se fait sur le plan individuel et sur le plan collectif. Au cours de la consultation, nous abordons déjà la question du mode de vie avec notre patient. Après l’avoir interrogé sur ses habitudes, nous discutons de la modification des comportements inappropriés. En fin de consultation, nous dressons les recommandations qu’il devra suivre et discutons avec lui de leur faisabilité. À chaque contrôle, nous vérifions l’application des mesures prescrites.


Nous prévoyons d’organiser des séances d’éducation thérapeutiques des patients par groupes pour favoriser les échanges de vécu. Nous comptons aussi sur l’implication des hommes et femmes des médias que vous êtes pour nous aider à sensibiliser notre population, particulièrement les jeunes, à ces addictions.


Quels sont les taux de réussite enregistrés dans le cadre des conseils que vous prodiguez aux patients en faveur de l’adoption d’un mode de vie sain ?

 

Bien que nous ne disposions pas encore de données statistiques publiées sur la question, notre expérience professionnelle montre que malheureusement le taux de réussite semble assez faible. Faible parce que, au-delà de la santé physique, il faut lutter contre l’ensemble des facteurs qui favorisent ces addictions, au niveau économique et au niveau social.


Votre mot de la fin, Docteur.

 

Les maladies cardio-vasculaires sont un fléau mondial. Les pays émergents, tels que le Gabon, ne sont pas épargnés. Certains facteurs favorisants sont évitables. C’est le cas des différentes addictions qui ont été évoquées tout au long de cette interview. Bien que nous ayons évoqué les atteintes cardio-vasculaires, il faut dire que ces addictions sont également responsables d’atteintes d’autres organes, tels que le foie, avec la cirrhose qu’on retrouve chez des patients de plus en plus jeunes. Les populations devraient continuer à être informées sur le danger de ces substances sur la santé et sur les possibilités de recevoir l’aide nécessaire pour s’en défaire. C’est donc pour nous l’occasion de vous remercier pour cette tribune d’échanges et de vulgarisation de l’information.



Propos recueillis par Flavienne L. Issembè

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