ERIC EDGARD MBOUDYDES DES RÉSEAUX DE BASE AU REDHAC


ERIC MBOUDY
 DES RÉSEAUX DE BASE AU REDHAC

« Vivre » - Depuis quand êtes-vous défenseur des droits humains et pourquoi vous êtes-vous engagé dans cette voie ?

Eric Mboudy - Je suis membre du REDHAC (Réseau des Défenseurs des Droits Humains en Afrique Centrale) depuis 2022, mais je milite dans les réseaux de base depuis 2009. À la fin de mes études à Dakar, je suis touché par une scène cruelle sur le manque de considération humaine vis-à-vis de deux enfants talibés qui mouraient de faim et avaient été chassés d’un fast food, instantanément. En pleurs, je leur ai offert un repas copieux dans le même magasin. Depuis ce jour, je pense avoir ouvert les yeux sur les conditions de vie des humains, le rôle crucial qui relève de la responsabilité de l’État et des gouvernants qui se doivent de mettre en place des politiques sociales pour qu’il n’y ait pas des misérables et des super riches, d’offrir le minimum à ceux qui n’ont rien et promouvoir les Droits de l’Homme.

Je me suis intéressé à la Dynamique des structures de base dans le domaine de la promotion des droits et libertés. Ayant pris part, sur invitation, au Forum Social Mondial en 2011, j’ai noué des contacts avec plusieurs ONG de défense des Droits Humains. En 2014, je me suis engagé dans la lutte contre les drogues et la protection des personnes vivant avec un handicap. En 2022, nous avons mis sur pied le Mouvement GABONAIS DE NULLE PART qui prône la cohésion sociale et la neutralité des institutions. Nous avons fait de l’abstention un signe de contestation électorale aux élections de 2023 où le taux d’abstention était de plus de 60%. Durant la Transition, nous avons invité les structures de base à participer au vote. Le Comité pour la transition et la restauration des institutions (CTRI) a rassuré les populations. En dépit de plusieurs manquements, le dialogue s’est installé. Mais, pour l’essentiel, 2023 a été en mouvement pour une cohésion sociale.

Aujourd’hui, nous travaillons en collaboration avec la mairie du 3ème arrondissement et le marché de Mont Bouet, respectivement dans le cadre de la promotion des Droits Humains et la lutte contre les drogues. S’agissant du Marché Mont Bouet, je suis le président de l’Association pour le Développement de la Sorbonne (ADS) pour la zone Peyrie Dakar.

Qu'est au juste un défenseur des droits humains ?


En amont de la promotion des Droits Humains, notre action en tant que défenseur des Droits Humains se base sur la sensibilisation, la formation et l’encadrement des populations. En aval, nous menons des plaidoyers individuels et collectifs sur les libertés sociales et économique, la protection de l’environnement et des prisonniers.

Vous défendez les droits humains au sein du REDHAC. Quelle est la mission et quelles sont les activités majeures de ce réseau ?


Le REDHAC, Réseau des Défenseurs des Droits Humains en Afrique Centrale, est une organisation sous-régionale non gouvernementale composée de huit pays d'Afrique centrale (Cameroun, Congo, Centrafrique, Gabon, Guinée Équatoriale, République démocratique du Congo, Tchad, Sao Tomé & Principe)

Elle a un statut d’observateur à la Commission africaine des Droits de l’Homme et des Peuples, et collabore avec les Nations Unies et le Haut-Commissariat de l’ONU pour les Droits de l’Homme respectivement pour le plaidoyer et les rapports sur les violations des Droits Humains, les enquêtes conjointes sur le terrain, la collecte de données statistiques, le partage d’informations et le renforcement des capacités des structures de base.

Au niveau de la Diaspora, le REDHAC observe le traitement des ressortissants africains dans leur mobilité et le respect de leur convictions religieuses et politiques. Enfin, nous avons des espaces de travail avec l’UE, la FAO, l’UNOCA, l’USAIDS, l’AFD, l’OHADA, l’IRI, le NDI, le Commonwealt

Les activités du REDHAC incluent en priorité :

  • La protection des défenseurs des Droits Humains basée sur un soutien juridique et financier et des défenseurs en danger couvrant la sécurité physique et numérique, les frais judiciaires et médicaux.

  • La promotion du plaidoyer à travers la mobilisation des mécanismes africains et onusiens pour que les États respectent leurs engagements internationaux en matière de Droits Humains.

  • La documentation et la surveillance à travers des enquêtes sur les atteintes aux Droits Humains, la publication des rapports d’études et la surveillance des processus démocratiques.

  • La promotion des Droits Humains basée sur la protection du statut des défenseurs des droits humains, le renforcement de l'espace civique et la défense des libertés fondamentales.

  • L’implication du REDHAC dans la prévention et la résolution des conflits, la promotion de la paix et la cohésion sociale.

  • La restructuration de l’appareil judiciaire dans le cadre de la réforme visant la modernisation de la justice, le renforcement de son indépendance et l’accessibilité équitable de tous les citoyens.

  • La mise en place dans l’enceinte de la prison centrale à Libreville de la Maison des Droits de l’Homme et de la Maison d’arrêt de la Femme.

  • La libération sans condition des prisonniers d’opinion.

  • Le renforcement des capacités des structures de base des Droits Humains.

Comment se concrétise la mission du REDHAC dans les faits ?


Le rôle des défenseurs des Droits Humains est très mal compris. Il est assimilé parfois à celui d’opposant politique, la limite entre les deux étant très mince. Ceci dit, de manière concrète, le REDHAC au Gabon est au cœur de la Société Civile. C’est un lieu privilégié au sein duquel nous soulevons plusieurs problèmes tels que ceux liés à l’environnement et à la pollution dont s’occupe l’ONG Green Forest ; la liberté, la citoyenneté et le droit civique. Le Mouvement Copil Citoyen de Geoffroy Foumboula Libeka Makosso est notre chargé du plaidoyer.

Quels sont les acquis et les défis et majeurs du REDHAC ?


Pour nous, défenseur des Droits Humains, la victoire se conjugue avec moins de violence politique et sociale. Nous avons enregistré quelques résultats tels que la libération de plusieurs prisonniers politiques et du lieutenant Kelly Ondo. S’agissant de la famille Bongo, nous avons plaidé pour des conditions de détention humaines et un jugement équitable pendant le Dialogue national inclusif d’avril 2024. Le plus important pour nous est de savoir qu’ils sont en liberté et jouissent de leurs droits. Autre acquis : le REDHAC est connu au niveau national et sous-régional. Toutefois, beaucoup reste à faire.

Nombre de leaders des organisations de la société civile (OSC) ayant basculé en politique, nous devons asseoir un réseau plus solide, renforcer la formation et le cadre légal afin d’accélérer les avancées de la loi sur les défenseurs des droits humains. Cette loi est un pas vers l’Idéal du modèle de défenseur de Droit Humains que nous voulons avoir au Gabon.

L'environnement ou le contexte gabonais actuel est-il propice à l'amélioration des droits humains et à l'action des défenseurs desdits droits ?


Le paradis n’est pas sur terre comme on a tendance à le dire. Il est vrai que nous sortons d’un contexte politique où la démocratie et les libertés étaient entre les mains d’une poignée d’individus et non du peuple via un système judiciaire fort et indépendant, d’une chambre parlementaire issue du peuple. Nous sortons d’une période d’exception consécutive au Coup de Libération du 30 août 2023. Toutefois, nous sommes encore dans l’étape de la Transition, une étape stable mais qui a aussi un côté pervers. Nous tenons à souligner que les débuts de la Transition ont été marqués par une situation politique et sociale très tendue, de nombreuses violations des Droits Humains.

Selon les rapports issus des organisations de base du REDHAQC concernant les libertés civiles et politiques, les restrictions des libertés d’expression, de réunions et d’associations, et les arrestations et détentions arbitraires, cela s’est soldé par une condamnation des violences post-électorales par la Commission africaine des Droits de l’Homme et des Peuples.

Pour revenir à la question de savoir si l’environnement actuel est propice à l'amélioration des Droits Humains et à l'action des défenseurs des Droits Humains, je dirais que nous avons un président qui a démilitarisé son régime. Il a été régulièrement élu et il est aimé des populations. Il aime son pays et invite la société civile à être vigilante. Donc, je peux dire que pour le moment le cadre est propice à l’amélioration des conditions de vie pour les personnes physiques et morales.

Quels sont les acquis de la lutte pour les droits humains au Gabon ?


Les avancées majeures incluent l’adoption en 2021 d’une loi visant à éliminer les violences faites aux femmes et le Code de l’Enfant. D’autres acquis plus récents concernent la volonté affichée des autorités de faire avancer les choses à travers la tenue du Dialogue national inclusif d’avril 2024 qui a proposé des réformes qui ont servi de base à l’organisation du référendum constitutionnel de 2024 et l’adoption de la nouvelle Constitution nationale. Sur le papier, la Loi fondamentale renforce certains droits et libertés qui sont perçus comme des étapes positives.

Le gouvernement de la Transition a exprimé son engagement à respecter les Droits Humains et à collaborer avec les organisations internationales des Droits Humains. Dans les faits, cet engagement s’est traduit par :

Où le bât blesse-t-il ?


En dépit des acquis susmentionnés, le Gabon enregistre certains reculs. La corruption gangrène l’appareil administratif de l‘État avec notamment des détournements des deniers publics, des pots de vin pour retarder ou requalifier les procédures judiciaires, des attributions de marchés publics à des entreprises non qualifiées.

Toutes ces pratiques improductives et inefficaces entretiennent les pesanteurs décisionnelles et administratives avec pour conséquences une baisse de la qualité des infrastructures (ponts et chaussées, bâtiments), l’approvisionnement fictif en équipements médicaux et scolaires, une incidence directe sur les deniers publics et l’augmentation des charges de l’État, la fragilisation du tissu économique et la baisse du vécu social des populations.

Au vu de la situation en cours, il serait judicieux de mettre en place un mécanisme de surveillance fiable de l’appareil étatique pour optimiser les dépenses ayant un impact social et économique.

État de droit : Rêve ou réalité ?


La question de l’État de Droit au Gabon est au cœur du débat et des attentes depuis le changement de régime le 30 août 2023. Notre pays a fait un pas de géant. Après le Coup de Libération du 30 Août 2023, nous avons constaté avec grande joie que le pouvoir en place est ouvert au dialogue et prêt pour le changement véritable. Chaque jour, le rapport de confiance en termes de respect des instruments onusiens dont le Gabon est signataire se consolide.

Le Président Brice Clotaire Oligui Nguema se fait lui-même un promoteur des libertés. Nous en sommes heureux.  Néanmoins, le système judiciaire n’est pas totalement autonome du fait de l’action de nombre de réseaux qui l’ont gangréné. En dernier recours, le pouvoir exécutif doit prendre des décisions fortes. Nous sommes sur la bonne voie avec le renforcement en cours de la démocratie économique et du protectionnisme de l’économie en donnant l’accès exclusif des Gabonais aux marchés, aux PME, PMI et TPE.

La réalité de l’Etat sera validée lorsque les Gabonais ressentiront de manière concrète une justice équitable et indépendante.

Pour terminer, quel message souhaiteriez-vous transmettre ?


Mon intervention cible les discours haineux en période de campagne. Le Gabon est notre bien commun. Au cours des derniers mois, les discours de haine et xénophobes circulent dans les médias sociaux. Notre pays est une terre d’hospitalité. En installant un cadre légal à l’immigration, en formant et en accordant des crédits aux entrepreneurs et les titres fonciers (TF) aux Gabonais, la violence en gestation sera avortée.

En tant que défenseur des Droits Humains, j’appelle tous les candidats à avoir des discours de paix et non de haine. La tolérance et le travail sont les deux valeurs à prôner dans ce contexte de crise sociale. Certes, nous observons des chantiers presque partout, mais les secteurs de l’agriculture et des PME sont encore en berne. En outre, selon une récente enquête de terrain, de nombreux foyés ne mangent pas tous les jours.



   Propos recueillis par Flavienne L. Issembè


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