« JE SUIS SOCIOLOGUE ET AU CHÔMAGE »

« JE SUIS SOCIOLOGUE ET AU CHÔMAGE »

Il est le troisième d’une fratrie de six enfants nés d’un père militaire à la retraite et d’une mère commerçante encore en activité. Jeune et combattif, Axel Kombila Kombila est sociologue de formation, spécialiste des questions d’évaluation des politiques, des programmes et des projets qui gravitent autour de la gouvernance, de l’État, du pouvoir et des institutions. Actuellement au chômage, il lutte pour les droits des chômeurs. En toute humilité et  franchise, il livre un témoignage chargé d’émotion et de détermination.

 

« J’étais dans un passé récent consultant au sein d’agences du système des Nations unies dans le cadre de l’évaluation d’un certain nombre de projets et de programmes. Mon expérience aidant, ma carrière de consultant m’a permis d’obtenir un certain nombre de marchés et de subvenir à mes besoins à court terme. Malheureusement, après ces moments de vaches grasses, avoir d’autres opportunités s’est avéré extrêmement compliqué. En tant que consultant indépendant, je n’ai pu subvenir à mes différentes charges. Loin de baisser les bras, je me suis dit qu’il était temps de frapper à nouveau à la porte de l’État. En 2019, je me tourne vers la fonction publique où je dépose mon dossier. En vain ! Suite à l’arrivée au pouvoir en août 2023 du Comité pour la transition et la restauration des institutions (CTRI) et à la diffusion du communiqué n°13 qui demandait aux Gabonais de déposer les dossiers à la fonction publique, j’ai adhéré, faute de trouver un emploi, à un collectif associatif où je milite pour les intérêts et les droits des chômeurs. À ce jour, je n’ai reçu aucune information relative à mon dossier. Rien n’a filtré. La fonction publique brille par un mutisme, un silence, qui n’a pas de nom. »


Les compétences d’Axel pourraient être mises au service de la Primature ou de la vice-Primature au département de la prospective et de la planification, ces deux domaines étant connexes au suivi-évaluation.

 

« A mon avis, une cellule d’évaluation devrait être créée, notamment au niveau du secrétariat général où se trouve une direction du suivi/évaluation des politiques publiques. Je pourrais même travailler au sein du gouvernement en qualité d’agent technique, de conseiller chargé d’études des questions de suivi/évaluation de projets, ou au ministère des Affaires étrangères au sein du Mécanisme africain de l’évaluation par les pairs (MAEP) ou encore dans le système des Nations unies. J’ai passé un moment au ministère de la Promotion, de la Bonne Gouvernance et de la Lutte contre la corruption. Le projet avait pour objectif d’infuser la culture de l’évaluation dès le banc de l’école, notamment au niveau du secondaire et même à l’université. »

 

Ayant formé des étudiants, des professionnels et des acteurs de la société civile dans le domaine du suivi/évaluation de projets, Axel nous confie qu’il peut enseigner. Déçu, il pose un regard amer et critique sur la situation qui prévaut actuellement au Gabon, témoignant l’intérêt qu’il porte au devenir de son pays.


« Mon regard, en tant que sociologue-politique sur la situation actuelle du Gabon, est à la fois multidimensionnel et transversal. Nous sommes à la croisée des chemins comme ce fut le cas en 1964 après le coup d’État avorté. Nous sommes dans le même contexte que celui qui prévalait à l’époque des pères fondateurs. Nous nous interrogeons sur le type de société que nous voulons pour notre pays. Nous avons connu un régime, un pouvoir qui est tombé et qui a laissé des traces mortifères dans la vie des populations et la gouvernance du pays. Aujourd’hui, nous sommes face à un autre pouvoir. »

 

Pointant du doigt la gestion néo-patrimoniale des institutions, Axel dénonce la confusion qui régnait à l’époque entre les espaces public et privé, et plaide pour un changement de paradigme.


« On a fait de la gestion publique, des affaires de l’État, une affaire privée et patrimoniale. Il faudrait donc reconstruire un État qui soit l’émanation de la volonté populaire et qui travaille pour le bénéfice de tous les citoyens et non pour un groupuscule. L’armée a l’occasion d’apporter une nouvelle ère où, effectivement, la redistribution équitable des ressources publiques et la bonne gouvernance seront un rempart contre la corruption et les détournements de biens publics au sommet de l’État et au niveau de toutes les strates. In fine, il va falloir infuser une nouvelle culture dans l’imaginaire social de chaque population. Ce processus doit se faire aussi bien au niveau infrastructurel qu’au niveau des hommes. Il va falloir établir des institutions fortes et non des hommes forts. Malheureusement, près d’un an après l’accession du président de la transition au pouvoir, avec l’intention de . Mais, force est de constater que le Gabon est dans une situation assez hybride. On n’arrive pas vraiment à bien saisir ce que les autorités veulent faire. Ce qui émerge plus à la perception du sociologue que je suis, c’est que l’on a des hommes d’abord qui veulent s’implanter et demeurer au pouvoir alors que ce n’est pas d’abord l’objectif premier.»


Selon Axel, il faudrait pouvoir tourner la page et restaurer les institutions de sorte que le pouvoir puisse avoir ses lettres de noblesse, une mystique et un instinct patriotique fort.


« L’enjeu est d’éblouir tous les citoyens afin qu’ils puissent avoir confiance en leur pays et que la fierté nationale soit redorée au sommet de l’Etat. Un changement profond s’impose. Si les populations peuvent s’exprimer librement et donner leur point de vue, j’ai néanmoins le sentiment que nous sommes en train de revenir vers le même système, de reproduire les travers du système déchu. Un groupuscule accapare le pouvoir et jouit de ses avantages pendant que la majorité croupit toujours dans la précarité et la disette. Ce qui doit changer, c’est la gestion des affaires publiques. L’État devrait être au service de tous les individus et non au service d’une famille, d’un groupuscule. L’État devrait jouer son rôle régalien, garantir la couverture sociale, l’accès à la santé, à l’éducation et à l’emploi, et relancer l’économie, etc. »


Au sujet des conclusions du Dialogue national inclusif (DNI).


« De mon point de vue, les conclusions du DNI sont assez superficielles. Nous entrons de plain-pied dans un système présidentiel. Le président de la République ne devrait plus être à la fois président de la République et chef suprême des armées. À mon humble avis, Il faudrait veiller à l’application effective du principe de la séparation des pouvoirs. Chaque institution devrait jouer pleinement son rôle. Le Parlement en tant qu’institution chargée du contrôle de l’exécutif et le pouvoir judiciaire en sa qualité d’institution chargée du contrôle de l’application stricte de la loi. Enfin, l’armée ne devrait plus être un instrument aux mains du politique mais une armée républicaine. »


 

Propos recueillis par Annie Mapangou

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