L’ARTISTE ET LE POLITIQUE L’HISTOIRE AMBIGUЁ

L’ARTISTE ET LE POLITIQUE
L’HISTOIRE AMBIGUЁ

Dans le contexte artistique actuel, il est impossible d’éluder une question aussi sensible que centrale : celle du lien entre l’artiste et le politique. Deux figures d’influence. Deux voix publiques. Chacune à sa manière, façonne l’imaginaire collectif et influence l’opinion publique. Le politique par sa gestion de la cité, l’artiste par la puissance symbolique de son expression.

 

Ce lien, pourtant naturel dans une société en quête de sens, s’effiloche au point de devenir ambigu, voire toxique. Le politique, souvent conscient du pouvoir émotionnel de l’artiste, l’utilise comme un relais stratégique, un outil d’influence populaire, notamment en période électorale. L’artiste, lui, cède parfois à la tentation du confort et de la visibilité offerte par le pouvoir, au détriment de son rôle critique, de sa mission de miroir social.

 

Cette dérive ne date pas d’aujourd’hui. Dès la fin des années 90 et au début des années 2000, des voix artistiques gabonaises s’élèvent avec force. Le mythique groupe de rap Hay’Oe dénonce les injustices sociales et la précarité généralisée dans des titres chocs comme « Au secours », véritable cri de détresse d’une jeunesse marginalisée, avec un refrain devenu culte : « Au secours, venez-nous en aide, le pays est sous perfusion ».

 

À l’époque, le groupe assume un rôle de vigie, une fonction sociale et politique d’alerte. Mais en 2009, Hay’Oe surprend et déçoit en se rapprochant du pouvoir qu’il dénonce. Le titre « Laissez-nous avancer », chanté en soutien au candidat Ali Bongo Ondimba lors de la présidentielle, marque un tournant. De porte-voix du peuple, l’artiste devient instrument d’une campagne politique, mettant son art au service d’un projet partisan.

 

Cette trajectoire illustre un phénomène plus large de domestication culturelle où l’art devient une vitrine décorative plutôt qu’un outil de conscientisation sociale. Cette réalité est héritée de l’ère Omar Bongo Ondimba qui institutionnalise les groupes d’animation politique. L’exemple le plus parlant est celui de Kounabéli avec à sa tête Josephine Kama Bongo, épouse d’Omar.

 

Ce groupe chante à la gloire du Parti Démocratique Gabonais (PDG) et de son président, entérinant une pratique aujourd’hui connue sous le nom de kounabélisme. Ce mot devenu familier, presque banal, désigne l’artiste engagé non plus au service d’une cause, mais d’un pouvoir.

 

Le kounabélisme a ainsi inversé les rôles : ce n’est plus le politique qui est caricaturé par l’artiste, mais l’artiste qui devient le figurant du politique. Une dynamique qui interroge sur la liberté de création, l’indépendance intellectuelle et le rôle véritable de l’art dans une démocratie.

 

Il serait toutefois injuste de peindre tous les artistes avec le même pinceau. Il existe, dans le paysage culturel gabonais, deux grandes catégories d’artistes. D’un côté, ceux qui croient en la puissance de leur art et de leur potentiel et qui, malgré les difficultés, demeurent intègres et dignes. Ils chantent, slament, peignent ou dansent pour la société, crient ses douleurs et ses espoirs. Leur art est un acte de foi. Un acte de résistance. Ils n’acceptent ni compromission ni récupération.

 

De l’autre, il y a ceux qui cèdent aux chants des sirènes politiques, souvent par nécessité, parfois par opportunisme. Pour certains, la pauvreté pousse à l’arrangement ; pour d’autres, c’est la promesse d’un confort, d’un contrat, d’un passage dans les médias. Là où l’art devrait éveiller, il devient divertissement de cour. Là où l’artiste devrait questionner, il rassure le pouvoir.

 

C’est à travers cette dualité que le lien entre l’artiste et le politique devient ambigu. Car ce n’est plus l’autorité qui muselle l’artiste, mais l’artiste qui renonce à sa mission, troquant sa liberté contre une reconnaissance illusoire.

 

Mais tout n’est pas perdu. Il existe encore des plumes libres, des rythmes sincères, des artistes qui croient en la force du changement sans trahir les siens. Peut-être que demain, cette minorité intègre réussira à ramener à ses côtés les artistes qui chantent le pouvoir, afin que l’art retrouve sa fonction de veille, ses lettres de noblesse et sa place dans le cœur des Gabonais.

 

 

Eric Ozwald

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