L’EAU ET L’ÉLECTRICITÉ DANS NOS VIES


Le Gabon est exposé à des coupures intempestives d’eau et de courant. Parcourir de longues distances pour aller chercher de l’eau ou se tourner, moyennant paiement, vers des particuliers-distributeurs d’eau, est devenu le lot quasi quotidien de nombre de foyers. Pour éclairer leur maison, les populations se rabattent sur les lampes torche ou à essence, ou les lampes solaires. Les privations dues aux délestages remettent au goût du jour ce que chacun de nous est en droit de savoir. Le Directeur de l’eau et de l’électricité à la mairie centrale de Libreville apporte son éclairage.
Vivre – Monsieur Rick Mbo, quelle est l’importance que revêtent l’eau et l’électricité dans nos vies ?
R. Mbo – En tant que source d’énergie, l’eau est indispensable à deux niveaux. Elle contribue, d’une part, à assurer la croissance verte d’un pays et, d’autre part, à satisfaire les besoins de l’homme. Elle est indispensable à toutes nos activités. Pour ce qui de l’électricité, la disponibilité de cette énergie sous-tend la fourniture des services essentiels comme l’éducation, en apportant la lumière dans les écoles et les ménages, en garantissant, d’une part, la sécurité sanitaire des aliments par la réfrigération et, d’autre part, l’accès aux technologies de l’information et de la communication (TIC).
Quels sont les besoins actuels du Gabon en général, et d’une ville comme Libreville, en eau potable et électricité ?
Libreville est aujourd’hui confrontée à de sérieuses difficultés d’approvisionnement en eau potable, surtout dans les quartiers sous-intégrés, en raison notamment d’une urbanisation mal maîtrisée et du recul des politiques publiques en matière d’équipements sociaux. Cette crise pénalise énormément les populations de la capitale car nous pouvons constater que même le centre-ville qui abrite toutes les grandes infrastructures du pays manque de ce précieux liquide. C’est dire que le niveau de la crise pour le secteur d’approvisionnement en eau et électricité est assez inquiétant.
Pour l’eau : il faut renouveler des kilomètres du réseau d’adduction d’eau, procéder à son renforcement et son extension, et assurer la réparation des fuites dans les bâtiments administratifs. Les taux sont de l’ordre de 25% en zone rurale où nous cherchons à atteindre 85%, et de 45% en zone urbaine où nous cherchons à atteindre 95%.
Pour l’électricité, les taux de couverture sont légèrement plus élevés en zone rurale qu’en zone urbaine comparativement à l’alimentation en eau. Ils se situent à 35% en zone rurale où nous cherchons à atteindre 90 à 95 %, et à 50% en zone urbaine où nous cherchons à atteindre 95%.
Pourquoi pas 100% ?
L’alimentation en eau et électricité est plus compliquée dans les zones urbaines. Je m’explique : les villes se développent au fur et à mesure. Prenons le cas de Bambou Chine dans le 6ème arrondissement de Libreville qui est en grande partie couvert par la forêt. Il n’y avait ni eau courante, ni électricité, ni école publique, ni structure de santé. Un autre exemple : la zone de Bel Air dans le 1er arrondissement de Libreville. Le côté gauche est approvisionné en eau et électricité tandis que le côté droit n’a pas d’eau.
Comment la mairie travaille-t-elle avec la Société d’énergie et d’eau et le Conseil national de l’eau et de l’électricité ?
En tant que collectivité territoriale, la Mairie a pour missions de satisfaire les besoins de la population à travers : la couverture des domaines de l’Etat civil, de l’urbanisme, des logements, écoles, équipements, activités culturelles d’une part ; des secteurs sociaux y compris la santé et la protection de police d’autre part. La Marie intervient en cas de besoin auprès des populations. Etant plus proche de celles-ci, elle communique les besoins au Conseil national de l’eau et de l’électricité (CNEE) qui les fait exécuter par les moyens financiers mis à sa disposition par l’État et par la Contribution spéciale eau et électricité (CSEE) sur les factures auprès de la Société d’énergie et d’eau du Gabon (SEEG).
Tout est-il aussi parfait que vous le dites ?
Je répondrai à cette question en prenant pour exemple le Projet d’alimentation en eau et électricité de tous les marchés. En 2011-2012, le CNEE a bénéficié d’un texte qui lui accordait les pleins pouvoirs. Le Conseil reçoit un budget de l’État. Paradoxalement, il fonctionne comme une entreprise privée. La Mairie était le vice-président du CNEE jusqu’en 2011-2012. Elle travaillait avec différents partenaires. Ce qui n’est plus le cas aujourd’hui. Elle doit se référer au CNEE même pour travailler avec la SEEG.
Quel est l’impact de cette crise sur l’approvisionnement en eau et électricité ?
La Mairie a du mal à répondre aux sollicitations des populations. Les choses ont bien changé depuis LUMEN. Ce groupement d’intérêt économique, qui tire son nom d’un insecte qui donne la lumière, avait une convention avec la Mairie de 1999 à 2015. La Mairie était chargée du contrôle du travail de LUMEN. La convention, dénoncée par le CNEE, a conduit à la fermeture du groupe.
Du temps de LUMEN, il n’y avait pas de problème d’éclairage. La Mairie avait des moyens didactiques, des ordinateurs, des véhicules fournis par LUMEN. Aujourd’hui, elle ne les a plus tout comme elle n’a plus d’équipes sur le terrain. Imaginez, au moment où je vous parle, je partage le même bureau que des membres de mon équipe.
Quelles sont les solutions à la crise de l’eau et de l’électricité ?
Les solutions à la crise sont la volonté politique et les moyens à mettre en œuvre. Le projet PIAEPAL, Programme Intégré pour l’Alimentation en Eau Potable et Assainissement du Grand Libreville financé par la BAD à hauteur de 77 milliards de francs CFA, a pour but d’étendre le réseau d’eau potable et d’électricité. La phase de réalisation est en cours à Bambou Chine (Zeng Ayong), Igoumié (Owendo) et au Cap Esterias (Akanda). Au niveau de l’intérieur, la Commission nationale des travaux d’intérêt public pour l’eau et l’électricité (CNTIPPEE) gère tous les projets de l’Etat dans les domaines de l’eau, l’électricité, des routes et Internet).
Que souhaiteriez-vous dire en guise de conclusion ?
L’Etat devrait accorder un plus grand intérêt à la fourniture des équipements d’eau et d’électricité en octroyant des moyens substantiels à la Commune qui a perdu ses prérogatives alors qu’elle doit être au plus près des populations qui ne demandent qu’à vivre décemment. Cela passe par le respect strict de la loi organique en son article 15 de l’année 1996 sur la décentralisation.
Propos recueillis Tama Z’Akis